Après plus d'une décennie de surplus budgétaire, le gouvernement conservateur s'apprête à déposer un budget déficitaire de 34 milliards $ pour la prochaine année financière, selon un haut responsable au bureau du premier ministre.

Après plus d'une décennie de surplus budgétaire, le gouvernement conservateur s'apprête à déposer un budget déficitaire de 34 milliards $ pour la prochaine année financière, selon un haut responsable au bureau du premier ministre.

Ce collaborateur de Stephen Harper a également révélé aux journalistes de la colline parlementaire à Ottawa, jeudi, que pour l'année 2010-2011, le déficit s'élèvera à 30 milliards $.

Sous le couvert de l'anonymat, il a par ailleurs indiqué que le retour aux surplus budgétaires n'est prévu que dans cinq ans.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, doit déposer son budget mardi, au lendemain de la rentrée parlementaire.

Il est plutôt inhabituel que le bureau du premier ministre dévoile d'avance à l'ensemble de la tribune de la presse les chiffres que contiendront ce budget. Le collaborateur de M. Harper a expliqué qu'il souhait ainsi faire taire les rumeurs.

«Il y a eu beaucoup de spéculation entourant les chiffres du déficit, alors je souhaitais partager l'information avec vous», a-t-il indiqué.

En livrant ces données, le gouvernement fait en sorte que mardi, au dévoilement du budget, la presse risque fort de se concentrer sur les mesures de stimulation de l'économie que contiendra le budget du ministre Flaherty plutôt que sur le retour au déficit et ses impacts sur la dette.

Selon les estimations du ministère des Finances, avec ces nouveaux déficits, la dette du Canada passera de 23,4 pour cent du produit intérieur brut (PIB) en 2007 à 28 pour cent du PIB en 2010.

Le déficit de 64 milliards prévus sur deux ans sera majoritairement lié au train de mesures que proposera M. Flaherty pour remettre sur pied l'économie.

Une importante partie risque néanmoins d'être attribuable à la conjoncture économique. Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a annoncé il y a quelques semaines que le déficit canadien pourrait osciller entre 4 et 14 milliards $ pour l'an prochain, sans compter de plan de relance.

Cinq années de déficit

Le budget reviendra à l'équilibre dans cinq ans, selon la source officielle, ce qui permettra au pays d'éviter de plonger dans un déficit dit «structurel».

«Les dépenses associées au plan de relance seront surtout à court terme, par nature, et donc leur effet sur le budget fédéral sera beaucoup plus prévisible», a indiqué le collaborateur de M. Harper.

Les économistes ne s'entendent pas cependant sur la durée qu'aura la récession au pays.

Les partis d'opposition ont unanimement jugé hasardeux de commenter les chiffres des déficits avant même d'avoir vu le contenu du budget.

«Quelles sont les mesures qui vont être présentes pour relancer l'économie? Est-ce qu'il va en avoir? On nous parle d'un déficit, mais est-ce un déficit axé juste sur un aspect, comme sur des baisses d'impôts?», s'est demandé le porte-parole en matière de Finances, Jean-Yves Laforest.

Le critique libéral, John McCallum, a pour sa part qualifié les sources gouvernementales «d'irresponsables» pour avoir coulé une information si importante aux journalistes, avant même la fermeture des marchés boursiers.

«Le gouvernement n'aurait pas dû livrer ces informations, surtout pour des chiffres énormes comme ceux-là. Pourquoi l'ont-il fait? Est-ce que ça démontre un degré de panique?» a-t-il indiqué en entretien téléphonique.

Le néo-démocrate Thomas Muclair va encore plus loin. Selon lui, si la fuite s'avère délibérée, le ministre Flaherty devra en «porter l'odieux» et il sera, à son avis, «obligé de partir».

«Si cela s'avère une fuite calculée pour essayer de mousser des chiffres en faveur du gouvernement conservateur, c'est non seulement contraire à nos coutumes et pratiques parlementaires, c'est indigne», a-t-il lancé.

Tant M. Harper que M. Flaherty, il y a quelques semaines à peine, assuraient que le Canada engrangerait encore des surplus pour le prochain exercice financier.