Depuis que le blé fait l'objet de spéculation, La Meunerie Milanaise, l'un des plus importants fabricants de farine biologique au Canada (sinon le plus important), est contrainte de mettre sur la glace ses projets d'expansion à l'internationale.

Depuis que le blé fait l'objet de spéculation, La Meunerie Milanaise, l'un des plus importants fabricants de farine biologique au Canada (sinon le plus important), est contrainte de mettre sur la glace ses projets d'expansion à l'internationale.

«Il y a un potentiel énorme en Europe, surtout en France où il y a un déficit de production de farine bio. Mais nous sommes depuis quelques mois victimes d'un marché spéculatif et nous devons prendre des décisions stratégiques. Mettre autant d'énergie en ce moment dans un marché aussi volatile peut être casse-cou», explique Robert Beauchemin, président et cofondateur de La Meunerie Milanaise.

Selon M. Beauchemin, le prix du blé conventionnel s'est maintenu entre 4$ et 6$ le boisseau au cours des 40 dernières années.

Récemment, la céréale s'est vendue 22$ le boisseau. Du jamais vu! Le blé biologique n'y échappe pas; il a atteint lui aussi des sommets (près de 30$ le boisseau). Bref, les vendeurs sont gagnants et les acheteurs, notamment les meuneries, sont perdants.

Le contexte actuel

La ruée sur la production de biocarburants (les céréales servent de plus en plus à produire de l'énergie plutôt qu'à nourrir) et la hausse de la consommation dans les pays émergents comme la Chine et l'Inde sont en partie responsables du contexte actuel, croit Robert Beauchemin.

Mais il y a plus, selon Ramzy Yelda, directeur à la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.

«Les stocks de blé sont très serrés partout, c'est vrai, mais l'explosion des prix du pétrole y est aussi pour quelque chose, dit M. Yelda. Il y a des surplus de liquidités dans les pays producteurs de pétrole. Certains parlent de 850 milliards. Cet argent a été investi et pourrait aussi expliquer en partie pourquoi les prix de l'or et des céréales atteignent des sommets.»

Pour la suite des choses, Ramzy Yelda croit que le prix des céréales demeurera élevé en 2008-2009.

«Il faudra attendre encore quatre ou cinq mois pour voir l'état des champs et des récoltes. Les marchés resteront très nerveux.»

Malgré cet épisode d'incertitude, La Meunerie Milanaise n'est évidemment pas sur le point de fermer ses portes. Depuis 15 ans, la PME soutient une croissance d'environ 15%.

N'empêche que Robert Beauchemin aimerait bien faire autre chose que de suivre les cours du blé sur son ordinateur portable, ce qu'il fait d'ailleurs à plusieurs reprises au cours de l'entrevue.

Milan: 400 habitants

Le siège social de la PME, où travaillent 23 personnes, est situé à Milan, un village d'à peine 400 habitants près de Lac-Mégantic. On y transforme environ 10 000 tonnes de céréales biologiques.

Outre la farine, l'entreprise commercialise des produits à valeur ajoutée: mélanges à crêpes et à muffins, pâtes alimentaires, etc. La farine bio de l'entreprise trouve preneur dans les boulangeries du Québec, de l'Ontario, des Maritimes, de la Nouvelle-Angleterre et, dans une moindre mesure, de France et d'Italie. Ses produits à valeur ajoutée sont distribués partout au Canada.

En 2007, La Meunerie Milanaise a ouvert un nouveau moulin dans la région de Saint-Polycarpe, près de la frontière ontarienne. On y transforme déjà 12 000 tonnes (sur une capacité de 25 000 tonnes) de blé conventionnel.

Le biologique demeure l'apanage de Milan. Le principal client des nouvelles installations de l'entreprise est Première Moisson.

Au Québec, trois minoteries se partagent 90% du marché. Elles sont situées à Montréal et s'appellent ADM, Cereal Food et Robin Hood. Les autres joueurs du secteur sont plus artisanaux, mais n'en demeurent pas moins des entreprises à ne pas négliger.

Des offres d'achat

À preuve, Robert Beauchemin dit recevoir des offres d'achat de façon sporadique.

«Il y en a qui me voient dans leur soupe. Les ventes que je fais sont des ventes qu'eux ne font pas», dit-il.

La Meunerie Milanaise a officiellement vu le jour en 1982. Ses ventes étaient de 50 000$. Aujourd'hui, elles oscillent entre 5 et 10 millions. Robert Beauchemin, un ingénieur de formation (il a mis un trait sur sa carrière après seulement trois semaines sur le marché du travail!) et sa conjointe Lily Vallières (diplômée en diététique) ont effectué un retour à la terre dans les années 70, à Milan. Leur objectif: planter du blé biologique.

«On nous voyait comme des extra-terrestres. Vous auriez dû voir la face du gars au crédit agricole quand je lui ai dit que je voulais planter du blé biologique, rigole M. Beauchemin. En plus, tout le monde disait que le blé, ça ne poussait pas dans la région de Milan.»