De peine et de misère, l'économie canadienne a refait surface au printemps, après s'être engloutie durant l'hiver.

De peine et de misère, l'économie canadienne a refait surface au printemps, après s'être engloutie durant l'hiver.

Le produit intérieur brut (PIB) réel a avancé de 0,3% seulement sur une base annualisée d'avril à juin, indiquent les comptes économiques nationaux publiés par Statistique Canada hier.

L'agence fédérale a révisé cependant la contre-performance de l'hiver qui s'enfonce de -0,3% à -0,8% sur une base annualisée.

Si la récession technique qui consiste en deux trimestres de contraction d'affilée est pour l'instant évitée, l'économie canadienne cale en fait de 0,2% jusqu'ici cette année. C'est la première fois depuis la récession de 1990-1991 qu'elle reste immergée durant un semestre.

Depuis un an, elle émerge à peine avec une poussée limitée à 0,7%. Son avenir inquiète, compte tenu de la détérioration déjà palpable de l'économie américaine au troisième trimestre.

«Un climat de morosité est présent depuis le début de l'année, qu'il y ait récession technique ou pas, constate Benoit P. Durocher, économiste senior chez Desjardins. Dans ces conditions, la progression du PIB réel pourrait être encore assez faible dans les trimestres à venir, voire négative, ce qui alimente les risques de récession.»

La demande intérieure finale, qui inclut les dépenses de consommation, celles des entreprises et des gouvernements de même que la construction, s'est accrue de 2%, un chiffre solide, mais moins que ceux des trimestres précédents.

Les dépenses des entreprises et l'activité dans la construction ont reculé au cours du trimestre.

Si les consommateurs n'ont pas hésité à ouvrir leur portefeuille, ils ont ralenti le rythme de leurs achats. La flambée des prix à la pompe a sûrement contenu leurs ardeurs.

«Nous faisons face à une stagnation atypique, observe Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. Pour la première fois de l'histoire du Canada, nous avons enregistré une croissance négative du PIB pendant le premier semestre, mais quand même une bonne performance de la demande intérieure finale, une forte croissance du revenu réel disponible et une augmentation des bénéfices des entreprises.»

Le premier a avancé de 1,2%, les seconds ont bondi de 8,3%.

Ce qui a plombé la croissance, c'est la nette détérioration du commerce extérieur, exprimé en volumes. Elle a retranché 2,8 points de pourcentage à la croissance.

Exprimé en valeur, le commerce extérieur permet de dégager des surplus appréciables qui ont apporté un excédant substantiel des comptes courants du pays. Ce sont toutefois les volumes qui entrent dans le calcul du PIB réel exprimé en dollars constants.

Exprimés en dollars courants, le PIB nominal a plutôt bondi de 10,5% au cours du trimestre, grâce à la forte augmentation des prix de l'énergie et des matières premières dont le Canada est grand exportateur. Cela a eu pour effet d'améliorer les termes de l'échange. Il s'agit de la différence entre les variations des prix à l'exportation et à l'importation.

Durant le trimestre, le revenu intérieur brut réel, qui est égal au PIB plus la variation des termes de l'échange, a progressé d'un appréciable 6,7% en termes annualisés. Pareil écart entre PIB et RIB est tout à fait inusité.

Sans chausser des lunettes roses, on remarque aussi que le PIB réel au mois de juin a tout de même progressé de 0,1%, ce qui annule le repli de mai et donne un semblant d'allant pour amorcer le troisième trimestre.

«Nonobstant cette hausse modeste, le taux de croissance des derniers mois a nettement rebondi», fait remarquer Sandy Batter, économiste chez JP Morgan à New York. L'économie canadienne a amorcé un sévère ralentissement dès le deuxième trimestre de l'an dernier jusqu'à faire marche arrière cet hiver. Depuis le creux de mars, la tendance s'est inversée.

Il reste que ce tournant est fragile et que la rechute est plausible. Ces nombreuses données et tendances divergentes compliquent la réflexion de la Banque du Canada. Si la majorité des observateurs s'attend encore à ce qu'elle reconduise son taux directeur à 3,0% mercredi, d'aucuns sont curieux de découvrir comment elle jauge la situation présente.