Les centaines de Montréalais qui espéraient récupérer leurs investissements dans les fonds offshore liés à Triglobal n'auront que des miettes.

Les centaines de Montréalais qui espéraient récupérer leurs investissements dans les fonds offshore liés à Triglobal n'auront que des miettes.

Plus de 86 millions de dollars confiés aux propriétaires de Triglobal et des fonds offshore, Themis Papadopoulos et Mario Bright, ont disparu dans la tuyauterie sous-terraine des paradis fiscaux. Après six mois d'enquête, les comptables de l'administrateur provisoire nommé par le gouvernement du Québec concèdent avoir peu d'espoir de retrouver grand-chose.

Voilà la triste nouvelle confirmée hier aux investisseurs d'Ivest Fund, de Focus Management et de Tricap Futures Fund, par l'administrateur provisoire Jean Robillard, de Raymond Chabot Grant Thornton, qui est aussi syndic dans la faillite de Triglobal.

Au moins 16 millions US ont été perdus en 2007 dans des paris boursiers à haut risque faits par Ivest, des Bahamas. L'essentiel, au moins 69 millions, a abouti dans un fond des îles Caïmans, Focus Management, qui demeure un trou noir.

«À ce jour, aucune somme n'a été récupérée ni même retracée», écrit M. Robillard dans sa lettre aux investisseurs, envoyée hier. L'enquête juricomptable se poursuit sur les transferts entre Focus Management et d'autres compagnies, mais «vu l'importance et la quantité des transactions effectuées, à ce stade-ci, il apparaît difficile (...) d'espérer récupérer des fonds substantiels» lors de la liquidation.

Au terme des liquidations des diverses firmes liées à Triglobal, les créanciers n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent: 862 000$ dans Triglobal; 1,65 million dans PNB Management (une firme montréalaise liée); 800 000 $ dans Ivest et 550 000 $ dans Tricap, deux fonds des Bahamas.

Donc, 4 millions, pour le moment, à partager entre les créanciers qui ont placé au moins 86,3 millions dans les fonds offshore que Triglobal a distribués illégalement au Québec, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF).

890 000 $ pour Themis et Mario !

Ironiquement, il y a 890 000$ de plus qui restent dans deux sociétés à numéro de Montréal, mais qui pourraient revenir à MM. Papadopoulos et Bright «si aucune réclamation valide n'est produite», écrit le syndic Robillard.

L'équipe de M. Robillard a réussi à brosser un portrait complet des finances de Triglobal et de ses firmes montréalaises liées, ainsi que d'Ivest. Mais Focus Management, le plus ancien (1990) et le plus gros des bric-à-brac offshore de MM. Papadopoulos et Bright, est un point d'interrogation.

«Aucun état financier de Focus n'a été retracé ou obtenu des investisseurs», écrit M. Robillard, qui fait ses calculs uniquement à partir des déclarations faites par 136 investisseurs d'ici qui ont déclaré des placements de 36 millions.

Mais c'est peut-être la pointe de l'iceberg. Plus de 110 millions semblent avoir transité dans le compte bancaire de Focus entre 2001 et 2007. Bien que le rapport de M. Robillard soit muet à ce sujet, de nombreux investisseurs ont pu investir dans Focus pour éviter de l'impôt. Ils n'ont pas intérêt à se révéler.

Panique chez Focus?

Le rapport de M. Robillard laisse penser que Focus était en grande difficulté.

Themis Papadopoulos et Mario Bright semblent avoir renfloué Focus avec les fonds d'Ivest et de Tricap. En effet, ils ont pompé vers Focus 30 millions d'Ivest et 3 millions de Tricap.

Sous la pression d'investisseurs mécontents de Focus, qui réclamaient leur argent, le tandem Themis&Mario a vendu en 2007 un édifice lui appartenant à Montréal et a versé 900 000$ à ces investisseurs qui, apparemment, avaient des moyens de persuasion plus directs qu'une plainte à l'AMF.

Autre signe que les choses allaient mal: de 2004 à 2006, M. Bright a géré avec un certain succès les actifs d'Ivest placés en Bourse, avec un portefeuille peu risqué d'actions et d'options. Mais en 2007, il a radicalement changé de style et risqué «des positions agressives sur des contrats à terme boursiers». Résultat, il a perdu «la quasi-intégralité» de sa mise, soit 16,1 millions de dollars.

M. Robillard n'a pas rappelé La Presse hier, mais son enquête se poursuit.