Rothmans inc (T.ROC)., la deuxième compagnie de tabac en importance au Canada, se prépare à faire face à des poursuites très coûteuses en raison de son rôle présumé dans la contrebande de cigarettes au début des années 1990, indique son dernier rapport annuel.

Rothmans inc [[|ticker sym='T.ROC'|]]., la deuxième compagnie de tabac en importance au Canada, se prépare à faire face à des poursuites très coûteuses en raison de son rôle présumé dans la contrebande de cigarettes au début des années 1990, indique son dernier rapport annuel.

Rothmans Benson&Hedges inc. (RBH), une filiale de Rothmans qui fabrique des cigarettes à Québec, «est actuellement l'objet d'une enquête par la GRC relativement à des exportations de produits de 1989 à 1996», souligne le rapport annuel, déposé la semaine dernière.

«Cette enquête, dont RBH a été informée en janvier 2002, porte sur des allégations selon lesquelles les produits du tabac fabriqués et exportés par RBH étaient réintroduits au Canada par la contrebande pendant cette période, sans que les droits d'accise et les taxes sur le tabac ne soient payés.»

Rothmans «croit que la GRC et les gouvernements fédéral et provinciaux ont l'intention de déposer des poursuites ou d'entreprendre d'autres actions judiciaires contre la compagnie et RBH et contre certains employés, cadres et directeurs en rapport avec ces allégations».

La compagnie, qui est cotée à la Bourse de Toronto et qui appartient en partie au groupe américain Altria, a l'obligation d'évoquer l'éventualité des poursuites qui peuvent avoir un impact financier, a souligné hier Karen Bodirsky, porte-parole de Rothmans.

Altria, anciennement connu sous le nom de Philip Morris, a fait la même mise en garde dans son rapport au Security Exchange Commission des États-Unis.

En 1994, La Presse avait révélé que les trois grands fabricants de cigarettes installés au Canada, soit Rothmans inc., Imperial Tobacco et RJR Macdonald, avaient augmenté leurs exportations vers les États-Unis de 100 fois en 10 ans, alors qu'ils vendaient très peu de cigarettes canadiennes aux consommateurs américains.

Les cigarettes revenaient au pays par la réserve mohawk d'Akwesasne. Les entreprises avaient participé à la création d'un mouvement soi-disant spontané de petits dépanneurs, le MATRAC, qui vendait ces cigarettes de contrebande à la barbe des policiers.

Cette opération de relations publiques avait provoqué une crise sociale et convaincu les gouvernements de baisser les taxes sur le tabac, ce qui était le but visé.

Depuis, la GRC, ainsi que les ministères du Revenu du Québec et du Canada, ont lancé une enquête en profondeur sur le rôle de ces sociétés dans la contrebande. Les gouvernements fédéral et provinciaux poursuivent JTI Macdonald (qui a succédé à RJR Macdonald) pour environ 10 milliards de dollars. Des accusations criminelles ont aussi été déposées contre huit dirigeants de cette compagnie.

Imperial Tobacco aussi visée

Imperial Tobacco, la principale entreprise, fait elle aussi l'objet d'une enquête poussée. Dans un mandat de perquisition exécuté en 2004, la GRC alléguait qu'elle avait participé à un complot criminel pour réintroduire ses cigarettes au Canada par la contrebande, sans avoir à payer de taxes. Rothmans rappelle ces faits dans son dernier communiqué financier.

Kathy Rousseau, porte-parole de la GRC, a refusé, hier, de donner des détails: "Je ne peux ni confirmer ni infirmer l'existence d'enquêtes en cours", a-t-elle dit. Un passage du rapport annuel de Rothmans porte à croire que la compagnie cherche à conclure une entente à l'amiable pour éviter des poursuites civiles et criminelles en rapport avec son rôle présumé dans la contrebande. "Les conseillers de RBH continuent d'avoir des discussions avec les autorités gouvernementales à propos du sujet en litige".

François Damphousse, de l'Association pour les droits des non-fumeurs, a dit hier que les entreprises de cigarettes portaient une part de responsabilité dans la recrudescence des activités de contrebande dans les réserves mohawks, qui ont fait les manchettes au cours des dernières semaines. "Ces compagnies sont à la source de la problématique actuelle, a-t-il dit. Elles ont créé l'appât du gain chez les autochtones lorsqu'elles ont alimenté les contrebandiers qui collaboraient avec eux."

Selon lui, les compagnies devraient maintenant aider les gouvernements à combattre ce fléau, notamment en partageant l'information sur les fournisseurs de matières premières, ce qui inclut non seulement le tabac, mais aussi le papier et les filtres. Puisque les gouvernements hésitent à intervenir dans les réserves, ajoute M. Damphousse, ils pourraient tarir l'approvisionnement des fabriques illégales de cigarettes dans les réserves d'Akwesasne et de Kahnawake.