À l'aube de chaque hiver, le chroniqueur de ski Roger Laroche dresse une liste des nouveautés qui débarquent dans les stations québécoises. Cette année, un mot suffit à résumer ce qu'il voit: tuyauterie.

À l'aube de chaque hiver, le chroniqueur de ski Roger Laroche dresse une liste des nouveautés qui débarquent dans les stations québécoises. Cette année, un mot suffit à résumer ce qu'il voit: tuyauterie.

"On voit énormément d'investissements dans les compresseurs, les pompes, les tuyaux, les canons à neige. Et des deux côtés de la frontière. Aux États-Unis, c'est fou, fou, fou. Tous les communiqués qu'on voit passer, c'est snow-gun, snow-gun, snow-gun."

En ces temps difficiles où Dame Nature semble aussi irrégulière que certains attaquants du Canadien, les stations ont décidé de mettre les chances de leur côté. Nouvelles lignes d'eau et d'air au Mont Blanc; 125 nouveaux canons à Tremblant; des investissements en enneigement de 1,5 million au Massif, de 600 000$ à Edelweiss, de 500 000$ à la station Le Relais: cette année, si la neige ne tombe pas du ciel, les stations la fabriqueront eux-mêmes, et à grands frais. Ne reste qu'à espérer que le mercure collabore.

Pour l'instant, la recette semble fonctionner. Aujourd'hui, 1er décembre, une trentaine de montagnes à travers la province devraient accueillir les skieurs. C'est 10 fois plus que l'an dernier.

"Pourtant, regardez dehors: ce n'est pas un hiver si extraordinaire. On en est aux balbutiements, on n'a pas eu de méga-tempête. C'est déjà l'indice que les investissements portent fruit", croit Roger Laroche.

Pour les stations, l'intérêt d'une ouverture précoce ne réside pas tellement dans les revenus tirés des quelques mordus qui piaffent d'impatience à dévaler les pentes. L'industrie prépare surtout le terrain pour une campagne de relations publiques qui vise à convaincre les skieurs qu'à Noël, la saison est amorcée.

La période des Fêtes représente de 25% à 35% des revenus des stations de ski. Et le mois de décembre pluvieux de l'an dernier a fait mal à une industrie dont la santé financière demeure "fragile et préoccupante", selon les mots de l'Association des stations de ski du Québec (ASSQ).

Quand l'industrie appelle à l'aide

Parce que si les stations de ski ont décidé d'investir dans leurs systèmes d'enneigement cette année, ce n'est certainement pas un signe qu'elles ont des fortunes à dilapider. Les quelque 80 stations de ski du Québec ont brassé 214 millions de dollars l'an dernier pour générer toutes ensemble des profits d'un million.

Les investissements, pendant la même période, sont estimés à 25 millions par l'Association des stations de ski du Québec.

Plus d'argent qui sort que d'argent qui entre? Une partie de l'écart provient du fait que certaines stations comme Bromont et Tremblant tirent une grande partie de leurs revenus d'activités autres que le ski.

"Les 7 millions investis l'an dernier et les 4 millions cette année viennent en grande majorité de la rentabilité de l'immobilier - la vente de terrains", dit Charles Désourdy, PDG de Ski Bromont, qui peut aussi compter sur le golf et les glissades d'eau l'été, en plus du ski de soirée.

"Le ski de jour, on est zéro ou négatif", révèle le grand patron de Bromont.

L'an dernier, seulement 44% des stations québécoises ont réalisé des bénéfices, contre 59% en 2005-2006, selon l'Association des stations de ski.

"Le modèle immobilier pompe les capitaux nécessaires à la mise à niveau des infrastructures. Mais ce ne sont pas toutes les stations qui peuvent bénéficier de ce levier. Si on enlève ce modèle-là, les stations réussissent plus ou moins à faire leurs frais, mais ce n'est pas suffisant pour générer assez de capitaux pour investir dans les infrastructures", dit Claude Péloquin, président-directeur général de l'ASSQ.

Le parc de remontées mécaniques du Québec, par exemple, est globalement vieillissant et arrivera bientôt à la fin de sa durée de vie. Pourtant, aucune nouvelle remontée mécanique ne sera installée cette année dans la province, si ce n'est celle de Bromont qui a mis la main sur un ancien double du Massif, et du Mont Gleason qui a installé un ancien quadruple de Stoneham.

La raison: les stations de ski n'ont tout simplement par l'argent pour renouveler leurs infrastructures. "Et actuellement, le milieu financier ne considère tout simplement pas le secteur du tourisme", dit M. Péloquin, de l'ASSQ, qui pointe la difficulté pour les stations d'obtenir des prêts auprès des banques.

"On demande des taux d'intérêt absurdes, on doit rembourser sur 7 ans des équipements qui ont des durées de vie de 25-30 ans, et on demande de verser soi-même environ 60% du capital", dénonce-t-il.

Jeudi, l'ASSQ a rencontré le ministre québécois du Développement économique, Raymond Bachand, pour lui faire part de ses problèmes. "On ne demande pas de subvention, précise M. Péloquin. On demande un accès au financement par des prêts ou des garanties de prêts, par exemple." À suivre.