Discrètement, derrière des portes closes, les États-Unis étudient la possibilité de relancer un projet d'avion espion.

Discrètement, derrière des portes closes, les États-Unis étudient la possibilité de relancer un projet d'avion espion.

Tout aussi discrètement, le Canada médite sur le remplacement de son avion de surveillance, l'Aurora. Alors que ses appareils Q400 ont du plomb dans l'aile, Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] espère prendre part aux deux missions.

«Ils connaissent nos plates-formes, commente le porte-parole de Bombardier Aéronautique, Marc Duchesne. Nous avons déjà modifié des avions pour une vingtaine de gouvernements et de pays à travers la planète.»

C'est ainsi qu'en 1999, le ministère britannique de la Défense a choisi le Global Express de Bombardier pour effectuer des missions de surveillance dans le cadre du programme ASTOR (Airborne Stand-Off Radar).

Pour ce projet, piloté par l'entreprise américaine Raytheon, Bombardier a installé des radômes (des dômes protégeant des antennes) et des ailerons additionnels sur son appareil.

La Grande-Bretagne a commandé cinq Global Express, des appareils qui coûtent normalement autour de 49 M$ en version «affaires».

Répéter l'exploit?

Bombardier a failli répéter l'exploit, à plus grande échelle, avec le programme ACSP (Aerial Common Sensor Program) de la Défense américaine.

En août 2004, l'armée américaine avait accordé à Lockheed Martin un contrat de 879 M$ US pour la livraison de cinq avions équipés de systèmes de surveillance perfectionnés.

Ces appareils devaient détecter les mouvements des troupes et intercepter les communications et les transmissions radar des ennemis.

Par la suite, Lockheed Martin devait livrer 33 avions supplémentaires à l'armée et 19 à la marine, ce qui devait pousser la valeur totale du contrat à plus de sept milliards.

À l'origine, Lockheed Martin avait choisi une version militarisée de l'Embraer ERJ145 comme plate-forme. Mais voilà qu'en cours de route, l'armée américaine et Lockheed Martin ont réalisé que l'équipement nécessaire était trop lourd pour l'ERJ145.

Après avoir examiné les avions disponibles, Lockheed Martin a jeté son dévolu sur le Global Express et l'a proposé à l'armée américaine.

Quatre fois plus cher

Or, l'appareil de Bombardier était quatre fois plus cher que l'ERJ145 de l'avionneur brésilien. Les autorités américaines n'ont pas apprécié et ont annulé le programme le 12 janvier 2006.

L'avion espion américain pourrait cependant renaître de ses cendres. Au printemps 2006, l'armée américaine a communiqué directement avec Bombardier pour avoir des informations sur le Global Express.

Et en mars dernier, l'armée a chargé une équipe d'étudier les besoins auxquels devra répondre le nouvel appareil, de développer une stratégie d'acquisition et d'explorer la question du financement.

L'armée n'a pas encore fait connaître les résultats de cette évaluation.

Les chances de Bombardier

Le porte-parole de Bombardier Aéronautique se fait avare de commentaires.

«Ce programme pourrait être intéressant pour Bombardier», indique simplement Marc Duchesne, sans vouloir se prononcer sur les chances de l'avionneur montréalais.

«Les Américains savent que nous avons des installations aux États-Unis et que nos avions sont performants.»

Il ne veut pas non plus spéculer sur les chances de Bombardier dans le cadre du projet de remplacement des appareils Aurora.

Le gouvernement canadien a acquis 18 avions à turbopropulseurs Aurora au début des années 80 afin d'effectuer des missions de surveillance et de lutte anti-sous-marin.

En 1998, il a entrepris un programme de modernisation de 1,6 milliard pour prolonger la vie utile des appareils, mais après avoir détecté des problèmes structurels, en septembre dernier, le gouvernement a décidé de suspendre le programme et d'étudier la possibilité de retirer progressivement les Aurora et de les remplacer par de nouveaux appareils.

«Nous sommes encore aux premières étapes du processus, indique le porte-parole des Forces armées canadiennes, le lieutenant Paul Finnemore. La direction du développement des forces conduit les études préliminaires et cherche à établir les besoins de l'aviation, des forces terrestres et de la marine. Pour l'instant, il n'y a pas de tendance véritable qui se dessine. Ce que nous savons, c'est que les Aurora devront être remplacés en 2016.»

Plusieurs observateurs estiment que le Global Express de Bombardier, un appareil assemblé à l'usine de Havilland, à Toronto, est favori.

Peu d'espace pour l'armement

Stephen Priestley, un auteur et recherchiste du site internet Canadian American Strategic Review, associé à l'université Simon Fraser, note toutefois que le Global Express est beaucoup plus petit que l'Aurora et qu'il a peu d'espace pour de l'armement.

«Si les forces armées adoptent le Global Express, c'est qu'elles auront mis de côté la mission de lutte anti-sous-marin pour privilégier la mission de surveillance pour cet appareil», indique-t-il.

Bombardier attend tranquillement la suite des événements.

«Une fois que ces deux projets, au Canada et aux États-Unis, seront rendus publics, nous verrons s'ils sont intéressants pour une des plates-formes de Bombardier», déclare Marc Duchesne.