Une poignée de jeunes avaient revêtu des costumes d'époque lors d'une conférence de presse entourant les festivités du 400e de la Vieille Capitale, au manoir Montmorency.

Une poignée de jeunes avaient revêtu des costumes d'époque lors d'une conférence de presse entourant les festivités du 400e de la Vieille Capitale, au manoir Montmorency.

Tout près de la salle où se préparait l'événement, une quinzaine de syndiqués du Journal de Québec en lock-out étaient aux aguets. Aucun briseur de grève n'allait franchir la porte.

Depuis deux jours, les syndiqués faisaient la chasse aux scabs. Leurs cibles: des représentants de Canoë, Nomade et Keystone.

Des journalistes et photographes de ces agences médiatiques ont été embauchés expressément pour alimenter le Journal de Québec durant le lock-out, expliquent les syndiqués.

Ceux-ci ont même transporté la lutte devant les tribunaux, accusant Quebecor Media d'avoir amené à Québec les agences Nomade et Keystone en prévision du conflit.

La Commission des relations de travail devra établir au cours des prochains mois si les travailleurs de ces agences sont des briseurs de grève au sens de la loi. «L'idée est aussi de faire comprendre aux organisateurs des conférences de presse qu'on sera là tant que des gens qui volent nos jobs seront là», affirme Sylvain Blanchette, un des syndiqués.

En retrait, l'organisatrice du point de presse, Cynthia Hovington, tente de gérer la situation. Les nombreux invités, dont plusieurs tirés à quatre épingles, ne semblent s'apercevoir de rien.

«Tiens, voilà un ti-nami», lance soudain René Baillargeon, photographe en lock-out.

Le ti-nami en question, un jeune homme à la stature imposante avec une barbichette, est photographe pour l'agence Keystone.

Pour les syndiqués, il est clair qu'il s'agit d'un briseur de grève. Dans l'escalier menant à la salle de conférence, ils forment un mur pour empêcher le photographe de passer. «Je vais revenir», grogne-t-il, l'air abattu.

«Tu n'entreras pas plus», réplique un syndiqué.

La tension monte d'un cran, jusqu'à ce que le photographe entreprenne de se frayer un chemin au travers des syndiqués.

À la porte, il se fait finalement refouler par une organisatrice de l'événement. «En vous acceptant, c'est nous autres qui auront des problèmes», plaide l'organisatrice.

Mais le photographe reste au bas de l'escalier, son téléphone cellulaire vissé sur l'oreille. Le jeune homme, qui n'a pas voulu s'identifier, dit travailler depuis un an pour Keystone.

«Je vais où on me dit d'aller. C'est sûr que c'est plate pour eux (les syndiqués), mais je ne peux pas m'empêcher de vivre», plaide le photographe, qui dit ignorer où sont publiées ses images.

Une des organisatrices de l'événement était visiblement ébranlée par les événements. «Moi je suis payée pour faire venir les journalistes, pas pour les faire partir», souligne-t-elle.

Rencontrée en marge de la conférence de presse, la journaliste Anne-Marie A. Savoie, en lock-out, avait été affectée à la couverture de l'événement pour le compte de MédiaMatinQuébec. Comme plusieurs ici, elle croit que l'issue du long conflit de travail fera jurisprudence dans la profession.

«Les entreprises de presse nous regardent comme des rats dans un laboratoire», résume Mme Savoie. Cette hypothèse est partagée par le porte-parole des trois syndicats en négociation, Denis Bolduc.

«Quebecor veut établir un pattern pour des négociations à venir au Journal de Montréal», croit-il.

L'autre journal

Au modeste local où est produit le MédiaMatinQuébec, le journaliste Jean Laroche bloque l'entrée. Aucun journaliste n'y a eu accès depuis le début du lock-out. «Secret militaire» se plaisent à répéter les syndiqués.

Reporter au Journal de Québec depuis quelques années, il est aujourd'hui chef des nouvelles du MédiaMatinQuébec.

«On essaie de faire notre travail avec des moyens plus limités. C'est sûr qu'on n'enverra personne au Super Bowl», explique le jeune homme de 28 ans.

Il est convaincu que la publication de son journal fait mal au tirage de Quebecor, qui l'a toujours nié en retour. «Le Journal de Québec n'a jamais autant donné de copies», nuance Jean Laroche.

Une opinion partagée par Claude Gagnon, le président et éditeur du quotidien Le Soleil, concurrent direct du Journal de Québec. Il relatait cette opinion dans ses pages en novembre 2007.

Sur papier, le Journal de Québec demeure le quotidien numéro 1 de la Vieille Capitale.

Jean Laroche est d'avis qu'un éventuel retour au travail, inévitable, se fera sous haute tension. «Plus les semaines passent et plus les cicatrices seront grandes», tranche-t-il.