En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

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La crise financière à laquelle nous sommes confrontés est la plus importante de notre génération, et possiblement la plus perturbante depuis la Grande Dépression.

Malgré des injections directes de capitaux dans les institutions financières et des coupures significatives des taux directeurs par les différentes banques centrales, l'environnement économique ne cesse de se dégrader entraînant faillites et licenciements. Nous subissons présentement le contrecoup du désendettement du système financier mondial à la suite d'une période prolongée d'abus.

Déréglementation et levier financier

La décennie de crédit facile qui a marqué la fin du mandat d'Alan Greenspan comme président de la Réserve fédérale a incité de nombreuses institutions à multiplier leurs investissements en les finançant à des taux dérisoires. Pour promouvoir cette culture de risque, l'agence de réglementation des marchés américains (la Securities and Exchange Commission) abolissait en 2004 la limite sur le levier financier des institutions de courtage. Dans les mois qui suivirent, l'endettement de ces firmes s'élevait vers des multiples sans précédent atteignant dans certains cas 40 fois le capital, quatre fois plus que les niveaux historiques.

La titrisation

Depuis le début des années 2000 les agences hypothécaires paragouvernementales, comme Fannie Mae et Freddie Mac, ont participé activement au développement du marché du subprime avec en arrière-plan une politique de relance supportée par l'accès à la propriété et à des taux d'intérêt faibles. À la même époque, Alan Greenspan s'exprimait en faveur du marché de la structuration de crédit puisqu'il permettait de faciliter le transfert des risques des banques vers le marché. Le processus de structuration était alors décrit comme étant un élément contribuant à la stabilité économique. Nous savons aujourd'hui que ce sont les excès dans le domaine de la structuration de crédit qui sont à l'origine de la crise.

Les agences de notations

En effet, encouragées par la demande et un cadre réglementaire favorable, les banques ont accru de façon très importante la manufacture de produits de crédit structurés. Les agences de notation Moodys et Standard&Poors adoptaient à la même époque des critères plus souples ayant pour conséquence d'attribuer la même cote de crédit à des produits ayant des expositions aux risques deux fois plus élevés que les produits antérieurs. Leur complaisance était compréhensible puisqu'une part importante des revenus des agences privées de notation était alors issue du marché du crédit structuré.

Les fonds de couverture

Paradoxalement, les fonds de couverture ont été parmi les premiers à identifier dès octobre 2006 les risques liés au subprime et à mettre en évidence le risque associé au surendettement des institutions financières à la fin 2007. Au début de la crise, les actifs sous gestion des fonds de couverture se chiffraient à environ deux trilliards de dollars américains contre 70 pour les banques, 25 pour les caisses de retraite et 27 en fonds mutuels. Malgré la forte croissance des dernières années le poids des fonds de couverture dans le marché est resté limité et ne peut expliquer même partiellement la crise actuelle. Leur importance pour le secteur du courtage est toutefois colossale.

En effet, les fonds de couverture sont de très importants utilisateurs de services financiers qu'il s'agisse de transiger, d'obtenir du financement ou de mettre en place des stratégies de gestion de risque. Ils sont donc extrêmement dépendants de la santé financière des grandes firmes de courtage et ont besoin de marchés financiers fonctionnels pour opérer. Un fonds de couverture achète de la protection dans le marché en effectuant des opérations de vente à découvert. Comme toute autre forme d'assurance, cette technique n'a de valeur que si elle peut être maintenue en temps de crise.

L'interdiction de vente à découvert par plusieurs gouvernements a tout simplement empêché certains fonds de se protéger contre les défaillances du système financier.

Au même moment les banques ont rappelé agressivement leurs prêts auprès de certains fonds forçant la liquidation de portefeuilles devenus peu liquides compte tenu de l'environnement de marché. De plus, on estime qu'au minimum le quart des actifs totaux des fonds de couverture est en cours de liquidation à la suite des demandes de retraits des investisseurs. Il ne s'agit donc pas de pertes associées à la spéculation mais d'une crise du système financier et d'une crise de confiance.

La dernière année met en évidence l'importance du cadre réglementaire des institutions financières et des structures de marchés au sein de l'économie réelle. La liquidation de fond de couverture a certes contribué à l'effondrement des marchés boursiers ainsi qu'à la volatilité récente des titres financiers. Il serait néanmoins imprudent et naïf de conclure qu'ils en ont été la cause.

Nicolas Papageorgiou est professeur agrégé au Service de l'enseignement de la finance à HEC Montréal. Florent Salmon est vice-président chez Desjardins Gestion d'actifs.