Sans tambour ni trompette, le gouvernement du Québec a resserré les critères d'admissibilité de son programme de crédit d'impôt pour affaires électroniques, privant ainsi Vidéotron de substantiels avantages fiscaux.

Sans tambour ni trompette, le gouvernement du Québec a resserré les critères d'admissibilité de son programme de crédit d'impôt pour affaires électroniques, privant ainsi Vidéotron de substantiels avantages fiscaux.

Désormais, une entreprise ne pourra plus créer une filiale et y transférer des employés afin de toucher le fameux crédit équivalent à 30% des salaires jusqu'à un maximum de 20 000$. Une telle stratégie avait été mise en place par Vidéotron.

Cette affaire, rappelons-le, avait fait les manchettes au début de mai dans la foulée de l'annonce de l'implantation de Morgan Stanley à Montréal pour y développer des logiciels financiers. La Presse Affaires avait révélé que 200 des 500 postes promis par Morgan Stanley existaient déjà et que, par conséquent, le gouvernement se trouvait à subventionner des emplois existants.

Après cette révélation, le péquiste François Legault avait dévoilé que Vidéotron aussi s'apprêtait à bénéficier du crédit d'impôt de 30% pour des emplois existants. L'entreprise avait expressément créé une filiale, Vidéotron Technologies, y mutant un peu plus de 100 employés dans le seul but de profiter de l'avantage fiscal. Vidéotron Technologies avait comme unique client sa société mère, Vidéotron.

Outrée, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, avait indiqué qu'elle corrigerait la situation. Cette correction a pris la forme d'un bulletin du Ministère, daté du 15 mai.

Désormais, une entreprise ne peut plus bénéficier du crédit si ses clients sont apparentés. Plus précisément, une entreprise est admissible seulement si ses services sont fournis, dans une proportion de 75%, à des clients qui n'ont aucun lien de dépendance.

Le bulletin du 15 mai entre en vigueur rétroactivement au 13 mars 2008. Ce faisant, la modification ferme la porte à la stratégie de Vidéotron, qui prévoyait toucher 2 millions de dollars par année de cette façon.

Chez Vidéotron, on est fort déçu de cette volte-face. D'autant plus que l'organisme qui accorde les attestations, Investissement Québec, avait verbalement donné son assentiment à Vidéotron, affirme l'entreprise.

«Initialement, l'objectif de la mesure était de stopper l'exode de talents vers de pays émergents. Aujourd'hui, on ne vise plus qu'à soutenir des firmes de consultation informatiques», a déclaré la porte-parole, Isabelle Dessureault.

Ce changement oblige Vidéotron à «considérer toutes les options pour demeurer concurrentielle, dont le offshoring (sous-traitance à des pays à faibles salaires)», a dit Mme Dessureault, qui indique qu'un tel projet «n'est pas sur la table pour la semaine prochaine».

Desjardins aussi

Par ailleurs, La Presse Affaires a appris que Vidéotron n'était pas la seule à vouloir profiter de l'échappatoire. Le Mouvement Desjardins envisageait également la possibilité de structurer ses activités pour en tirer partie.

«Nous avions tout simplement demandé des clarifications de la mesure budgétaire à Revenu Québec, sans faire de demande officielle d'attestation. Le bulletin d'information du 15 mai est venu répondre à nos questions», a expliqué le porte-parole du Mouvement Desjardins, André Chapleau.

Ce bulletin spécifie d'ailleurs que le critère de lien de dépendance s'applique aussi pour des services fournis «par une société aux membres d'une coopérative ou d'une fédération de coopératives», faisant ainsi référence à Desjardins.

Cela dit, le ministère des Finances a utilisé une contorsion pour que Morgan Stanley bénéficie tout de même de la mesure. En effet, en vertu de la règle du lien de dépendance, le géant financier ne pourrait toucher le crédit de 30% puisque ses logiciels développés à Montréal lui sont exclusivement destinés.

Le bulletin précise donc qu'une société peut toucher le crédit si les produits électroniques développés sont utilisés «exclusivement à l'extérieur du Québec».

Hier, Investissement Québec n'a pas voulu donner plus de détails, sa porte-parole, Josée Béland, affirmant que les dossiers des clients de l'organisme sont confidentiels lorsque de nature fiscale.