Dommage pour ses collègues... Même si elle est diplômée du Conservatoire, la nouvelle présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, se passera de piano dans ses bureaux, au 39e étage du complexe du centre-ville de Montréal.

Dommage pour ses collègues... Même si elle est diplômée du Conservatoire, la nouvelle présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, se passera de piano dans ses bureaux, au 39e étage du complexe du centre-ville de Montréal.

N'empêche, cette femme d'affaires de 53 ans, désormais la plus influente de l'histoire du Québec, pourrait s'inspirer de ses compositeurs favoris pour mener le géant financier coopératif d'ici quatre ans.

Bach pour «son dynamisme et son équilibre de vie», admet-elle en entrevue avec La Presse Affaires. Mais aussi Beethoven et Chopin, connus pour leurs mélodies fort sérieuses par moments.

Pas de piano au 39e, donc?

«Mais non, quand même! Le travail, c'est le travail. Et la musique, c'est un autre moyen de communiquer. D'autres émotions, aussi», insiste Mme Leroux, après un éclat de rire.

En fait, la culture d'entreprise chez Desjardins s'accommoderait sans doute mal d'un tel geste de sa nouvelle présidente, élue par plus de 2000 délégués à l'assemblée annuelle du week-end dernier, à Québec.

D'autant que Mme Leroux est chez Desjardins depuis quelques années seulement, après avoir dirigé la Banque Royale et le cabinet comptable Ernst&Young au Québec, ses clients financiers.

D'ailleurs, elle a dû s'astreindre à plusieurs professions de foi envers les «valeurs» de Desjardins au cours des dernières semaines, face aux candidats concurrents.

Mais ce ne fut rien d'un chemin de croix. Tout au contraire, relate Mme Leroux, l'occasion d'échanger avec des centaines de dirigeants des caisses populaires, provenant de toutes les régions.

«C'est vraiment unique à Desjardins, comparé à d'autres institutions financières. Et en tant que présidente élue, plutôt que nommée par un conseil, mon rôle est de bien diriger l'organisation tout en représentant les gens des caisses, qui sont très proches de leur milieu et de nos membres», indique Mme Leroux.

Cela dit, après ce gain électoral interne, elle a désormais la lourde responsabilité de garder ce paquebot financier vers le bon cap.

Parfois un peu lent à faire virer de bord, mais aussi moins bousculé par les houles financières à court terme. Et surtout, un paquebot bourré de capteurs bien branchés sur les besoins de ses passagers!

«Chez Desjardins, on prend le temps de discuter et d'analyser les grandes décisions avec toutes nos instances. Mais quand on décide d'agir, on a une force de frappe considérable par rapport aux concurrents qui décident tout en haut et doivent faire descendre ça jusqu'à leur base», explique Mme Leroux.

N'empêche, la nouvelle présidente de Desjardins se déclare très préoccupée de l'efficacité d'exploitation du géant coopératif.

Son outil de prédilection: le balisage comparatif face aux pairs et aux concurrents, d'ici et de l'étranger.

Pour bien jauger la performance d'affaires et financière de Desjardins, d'une part, mais aussi la satisfaction de ses clients-membres et de ses employés.

«J'ai fait la promotion du balisage chez Desjardins après mon arrivée à sa division d'assurances en 2001 (Financière Desjardins-Laurentienne, devenue Desjardins Sécurité financière). Ensuite, en tant que chef de la direction financière du Mouvement Desjardins (août 2004), j'ai poussé le balisage dans toute l'organisation», explique Mme Leroux.

Mais ce balisage sert surtout à guider les décisions et les priorités à moyen terme.

Parce que dans l'immédiat, des facteurs s'imposent à l'agenda de la nouvelle présidente de Desjardins.

«Avec les tumultes sur les marchés financiers, il faudra être plus prudent cette année et l'an prochain», souligne-t-elle.

Un exemple: la crise du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) et non bancaire, qui fige pour 32 milliards de dollars en titres depuis sept mois.

Desjardins a déjà divulgué sa participation pour un peu plus de 1 milliard. Mais ça demeure «peu significatif» face à tout le capital de Desjardins, selon Mme Leroux.

Aussi, cette participation découle du rachat du PCAA non bancaire détenu par tous ses clients, «afin de préserver nos relations à plus long terme».

«Nous n'avons pas mis de limite comme celle de 2 millions établie par la Banque Nationale», souligne Monique Leroux.

Mais elle demeure évasive sur les intentions de Desjardins de profiter des problèmes d'image de sa concurrente, avec la crise du PCAA.

«Le problème du papier commercial est plus grave que ça. Le manque de transparence sur ces titres issus de l'ingénierie financière retarde le regain de confiance des investisseurs», selon Mme Leroux.

Soit dit en passant, les activités de Desjardins sur les marchés du placement figurent parmi les priorités de sa nouvelle présidente.

En particulier, la filiale boursière, Valeurs mobilières Desjardins, dont la tenue cahoteuse continue d'embêter le géant coopératif au sein de la haute finance canadienne (voir autre texte).

Par ailleurs, Mme Leroux souhaite rehausser la présence de Desjardins en Ontario, désormais l'incontournable marché d'expansion hors Québec. Pourtant, l'Ontario pèse pour 22% des revenus de Desjardins, quelques points de plus qu'un début de la décennie.

Mais cette empreinte ontarienne et ses 4000 employés demeurent divisés entre diverses filiales: réseaux régionaux de caisses d'épargne, compagnies d'assurances, gestion de placements.

«Desjardins doit se donner un plan de développement mieux intégré en Ontario. Aussi, un plan bien identifié à ce qui fait notre différence face aux banques, comme au Québec», selon Monique Leroux.