Le Canada devra jouer un rôle moteur dans une réforme du G8 pour y inclure les grandes économies émergentes, faute de quoi il risque la marginalisation internationale.

Le Canada devra jouer un rôle moteur dans une réforme du G8 pour y inclure les grandes économies émergentes, faute de quoi il risque la marginalisation internationale.

Cette réforme presse, a plaidé hier l'ex-premier ministre canadien Paul Martin lors d'une causerie chaleureusement reçue au Conseil des relations internationales de Montréal.

«Le Canada a tout intérêt à prendre les commandes d'une telle réforme, soutient l'ex-politicien. Il ne faut pas se leurrer, nous ne sommes pas une des plus grandes économies de ce monde et rien ne garantit que nous participerons au résultat final.»

La montée en puissance de grandes économies émergentes n'est pas reflétée dans les grands forums internationaux comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, le Groupe de Bâle, le Forum sur la stabilité financière et le G8.

Un autre G8

Déjà, cinq grands exclus se regroupent: la Chine, le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud et le Mexique. Ce sont des acteurs incontournables pour aborder des questions planétaires comme les crises financières dont la présente n'est pas la dernière ou les changements climatiques.

«Si le G8 ne s'adapte pas à la réalité mondiale, il sera non seulement l'architecte de son propre déclin, mais le système international en souffrira davantage et sera encore plus en décalage par rapport à la réalité mondiale d'aujourd'hui», prévient l'homme qui a présidé à l'inauguration du G20.

Le Groupe des 20 rassemble les ministres des Finances et les banques centrales de 19 pays dont le Canada, plus les présidents du conseil de l'Union européenne de la Banque centrale européenne. Il a été créé en 1999 pour favoriser les actions concertées, par suite de plusieurs crises financières (peso mexicain, monnaies d'Asie, rouble). Ensemble, ils représentent 90% de la taille de l'économie mondiale.

Le G8 réunit les chefs de gouvernement de l'Allemagne, du Canada, des États-Unis, de la France, de l'Italie, du Japon, du Royaume-Uni et de la Russie.

Samedi à Washington, le président américain George W. Bush convie tous les chefs du gouvernement du G20 dont les ministres des Finances se seront réunis plus tôt pour définir des actions concertées face à la crise présente.

Pour M. Martin, il s'agit non pas d'un sommet extraordinaire mais d'une première. «C'est l'acte fondateur. Il sera impossible de faire marche arrière, précisait-il au cours d'une conférence de presse improvisée après son allocation. Il y aura un grand absent, Barack Obama. C'est pourquoi je pense que ça va aboutir sur des groupes de travail spécifiques pour que tout soit prêt quand M. Obama sera en fonctions.»

M. Martin a lancé cette phrase dans un élan d'enthousiasme. Par la suite, il a tempéré ses ardeurs, mais pas ses convictions. «Le G20 des chefs de gouvernement, il faut que ce soit possible.»

Critique contre Harper

Fidèle à ses allégeances libérales, il a attaqué celui qui a stoppé sa carrière politique, Stephen Harper.

Il l'a critiqué pour avoir abaissé de deux points de pourcentage la TPS, privant du coup Ottawa d'un surplus annuel de 12 milliards qui fait cruellement défaut pour relancer l'économie en cette période difficile. «Nous avons fait des surplus parce que nous savions que, malheureusement, les chocs financiers venant de l'extérieur sont la règle et non l'exception.»

Il lui reproche tout autant d'avoir manifesté à au moins deux reprises son désintérêt pour une réforme du G8.

De l'avis de M. Martin, les grandes puissances émergentes ne feront pas les cent pas encore bien longtemps. Elles veulent être parties aux grandes décisions qui les concernent tout autant que le Canada.

Menace sur le Canada

M. Martin craint par-dessus tout la création d'un G6, limité aux États-Unis, à la Chine, à l'Inde, au Japon, à l'Europe et à la Russie. "Il faut prendre les devants si nous voulons être présents lorsque le successeur du G8 sera formé, soutient-il. Si l'on reconnaît la nécessité de partager le pouvoir, il faut le faire pendant qu'on le possède, et non pas lorsque les autres sont en mesure de le prendre de force."