L'onde de choc qui secoue les marchés mondiaux n'a pas encore atteint le Liban. Au contraire: la Banque centrale estime que le pays du Moyen-Orient en récolte des effets positifs. Cet avis ne fait pas l'unanimité parmi les experts, qui craignent que les conséquences négatives se fassent sentir tôt ou tard.

L'onde de choc qui secoue les marchés mondiaux n'a pas encore atteint le Liban. Au contraire: la Banque centrale estime que le pays du Moyen-Orient en récolte des effets positifs. Cet avis ne fait pas l'unanimité parmi les experts, qui craignent que les conséquences négatives se fassent sentir tôt ou tard.

Un marché qui repose principalement sur les banques, une répugnance aux risques et des placements étrangers peu exposés ont permis au Liban de conserver sa stabilité financière. Paradoxalement, le pays du Cèdre doit aussi une partie de cette stabilité aux problèmes politiques et sécuritaires des dernières années.

«Cela n'a pas permis au marché de croître comme ailleurs. Les marchés mondiaux ont grandi alors que celui du Liban n'a pas gonflé - il n'a donc pas de raison de dégonfler maintenant» explique Louis Hobeika, professeur d'économie et de finances à l'Université Notre-Dame, près de Beyrouth.

Il ajoute que le marché ne ressemble pas à celui des puissances occidentales. La Bourse est petite - seulement 12 sociétés y sont cotées - et le marché repose sur les institutions bancaires. Or, celles-ci font preuve d'une grande prudence. La Banque du Liban - l'autorité centrale - a interdit les placements dans les produits dérivés «dangereux» dès 2005.

Aucun produit comme les subprimes ne s'est donc retrouvé parmi les actifs des banques libanaises.

Prévoyance et sagesse

Cette politique est basée sur «la prévoyance et la sagesse», estime le directeur principal de la Banque du Liban, Naaman Naddour. Selon lui, la crise financière se fait sentir au Liban par un «flux considérable de liquidité vers le secteur bancaire libanais».

«Le système bancaire repose sur les dépôts des épargnants, libanais ou expatriés, principalement», explique Nassib Ghobril, l'économiste en chef de Byblos, l'une des trois principales banques du pays.

L'argent est placé en partie dans les banques étrangères. «C'est donc le Liban qui prête aux autres pays!» explique M.Ghobril en souriant.

«Au plus fort de la crise, il y a même eu une entrée d'argent au Liban», rappelle de son côté la rédactrice en chef du magazine économique Le Commerce du Levant, Sibylle Rizk. Des Libanais qui avaient deux comptes de banque ont préféré retirer leur argent des comptes étrangers pour le ramener au pays.

Impossible d'être à l'abri

Mais l'avenir n'est pas pour autant dégagé des nuages financiers. «Nous ne sommes pas isolés. C'est impossible d'être à l'abri», souligne M. Ghobril.

Le Liban compte près de 4 millions d'habitants. Il est difficile d'estimer avec précision le nombre de Libanais qui vivent hors du pays. La diaspora constitue cependant une force active dans son pays d'origine. Ainsi, les chiffres fournis par Byblos montrent que 10 milliards de dollars américains proviennent de dépôts bancaires de non-résidants, sur une somme totale de 75 milliards. Et cette proportion pourrait être plus élevée, évalue M. Ghobril.

Or, si les expatriés sont touchés par la crise dans leur pays de résidence, les dépôts dans les banques libanaises pourraient diminuer. Cette hypothèse est particulièrement préoccupante en ce qui concerne les Libanais qui ont choisi de travailler dans les pays du Golfe, attirés par la flambée des prix du brut.

Par ailleurs, les économistes s'accordent à dire que la principale menace à l'économie du Liban demeure la dette publique. «La dette se finance en grande partie à travers les banques, qui placent l'argent auprès de l'État. Si les banques n'arrivaient plus à attirer les dépôts, ça pourrait être un problème», prévient Sibylle Rizk.

L'économie du Liban repose beaucoup sur le secteur des services, et notamment sur le tourisme, fragilisé en période d'instabilité politique ou économique. «Le Liban dépend beaucoup des émigrés libanais en tant que touristes», estime M. Ghobril.

Le deuxième secteur est celui de la construction, qui pourrait, quant à lui, bénéficier de la baisse du prix des matières premières.

«Il y aura certainement une baisse des prix des terrains, ce qui permettra aux jeunes d'acheter de l'immobilier. Pour l'instant, ce n'est pas possible. Il y a des jeunes qui émigrent à cause du déséquilibre entre les revenus et les prix. Peut-être que ça donnera l'occasion aux jeunes de rester au Liban», conclut le professeur Louis Hobeika.