René Khayat dirige le contentieux de 12 avocats du Cirque du Soleil, des juristes capables de jongler habilement avec les subtilités juridiques...

René Khayat dirige le contentieux de 12 avocats du Cirque du Soleil, des juristes capables de jongler habilement avec les subtilités juridiques...

René Khayat n'a jamais fait de l'acrobatie. Jeune, il était pourtant tellement habile de ses mains qu'il a cru un temps devenir jongleur; encore aujourd'hui, il est capable de jongler des heures avec trois balles. Sauf qu'il n'a jamais réussi à tenir avec une quatrième balle. Il a donc très vite décidé de laisser tomber sa carrière d'artiste pour bifurquer vers le droit.

«Dans ce domaine, je suis capable de jongler avec 10 concepts à la fois!» dit, amusé, l'avocat de 45 ans, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence, au nord de Montréal.

De toute façon, René Khayat a en quelque sorte l'occasion de vivre son rêve de jeunesse par procuration. Embauché en 1998 comme conseiller juridique du Cirque du Soleil, il en est depuis deux ans le vice-président, Affaires juridiques, le grand patron pour tout ce qui touche les aspects juridiques.

Des jongleurs, il y en a des dizaines qui s'entraînent au siège social du Cirque du Soleil. Et il en a vu des centaines d'autres dans les spectacles que produit le Cirque un peu partout dans le monde.

René Khayat dirige une équipe de 12 avocats, un contentieux structuré comme un véritable cabinet, avec trois champs de spécialisation. Cinq avocats font du droit commercial, quatre de la propriété intellectuelle, et deux du droit corporatif (fiscalité, financement, etc.). Un avocat est aussi basé à Singapour pour veiller aux intérêts du Cirque en Asie où l'entreprise est très présente.

On imagine mal pourquoi le Cirque a besoin d'autant de juristes. Vrai que l'entreprise emploie plus de 3000 personnes, mais à quoi peuvent bien servir tous ces avocats?

«Ils ne chôment pas», assure René Khayat, dont le rôle principal est justement de veiller à ce que personne de manque de boulot. Il explique qu'avec les taux horaires que demandent aujourd'hui les cabinets privés, il est beaucoup plus rentable de faire le gros du travail juridique à l'interne - hormis les grandes transactions, dont les mandats juridiques sont confiés à des cabinets externes. Surtout, dit-il, ses avocats connaissent la spécificité de l'industrie, et sont capables de s'adapter à la réalité juridique du Cirque. «Dans ce domaine, on est mieux servi avec du sur-mesure qu'avec du prêt-à-porter.»

Des tonnes de contrats

En droit commercial, les avocats du Cirque conçoivent et négocient des contrats. Toute sorte de contrats. Il faut négocier l'utilisation et l'exploitation des sites de spectacles, les contrats avec les producteurs, les contrats d'approvisionnement, les contrats de commandite, les contrats avec les partenaires majeurs, comme par exemple avec Disney, à Orlando, où le Cirque produit un spectacle, ou encore avec Fuji, pour la présentation de spectacles au Japon.

Régulièrement, le grand patron fait ses valises pour finaliser lui-même les contrats. Il était à Las Vegas récemment et se rendra bientôt à Tokyo. Il prend aussi en charge les très gros dossiers, comme pour le spectacle des Beatles, par exemple, où il s'est occupé personnellement des négos.

Ce qu'il apprécie le plus c'est de participer à la naissance d'un projet jusqu'à sa conclusion finale. C'est lui qui a notamment négocié les ententes de principes pour le spectacle Criss Angel Believe. C'était il y a trois ans. Il y a quelques semaines encore, il finalisait à Las Vegas les derniers aspects du contrat et assistait à la première mondiale du spectacle.

«Y'a rien de plus valorisant pour un avocat que de prendre part à un projet du début à la fin», dit-il.

Le département de propriété intellectuelle (PI) est certainement l'un des plus importants et stratégiques. Car le Cirque, explique René Khayat, est fondé sur la propriété intellectuelle. «C'est notre plus gros actif», dit-il.

Le quatuor d'avocats en PI a en effet beaucoup de boulot. Un de leurs mandats est de concocter des contrats qui permettent au Cirque l'utilisation des droits de propriété intellectuelle, et ce, dans plusieurs juridictions. Ces droits appartiennent à l'origine à toutes sortes d'intervenants: les concepteurs de spectacles, leurs sous-traitants, les designers de costumes et de décors...

À cela, s'ajoute les contrats reliés aux produits dérivés: CD, DVD, T-shirts, ententes de distribution, etc.

S'il rêvait plus jeune de devenir jongleur, René Khayat n'avait toutefois jamais pensé travailler comme avocat au Cirque du Soleil. En fait, lorsqu'une amie avocate le lui a proposé, il y a 10 ans, sa première réaction a été de dire non. «Moi, dans un cirque? Jamais!» a-t-il répondu. Mais après avoir rencontré les dirigeants et «jonglé» avec cette idée durant quelques mois, il a décidé de tenter le coup. Et n'a jamais regretté sa décision...