Tout le monde le dit, il faut miser sur la qualité pour concurrencer les Chinois. Les fabricants de vélos québécois ont entendu le message. Ils s'appellent Devinci, Guru, Marinoni, Argon 18. Et connaissent du succès dans un secteur pourtant difficile: le manufacturier.

Tout le monde le dit, il faut miser sur la qualité pour concurrencer les Chinois. Les fabricants de vélos québécois ont entendu le message. Ils s'appellent Devinci, Guru, Marinoni, Argon 18. Et connaissent du succès dans un secteur pourtant difficile: le manufacturier.

Le Québec, une Mecque du vélo? En ces temps où le sport national consiste à zigzaguer entre les flaques de sloche, l'affirmation peut paraître étrange.

Les pistes cyclables de la province risquent toutefois de se remplir d'amateurs au premier redoux venu. Le Québec est l'un des endroits où l'on retrouve le plus de vélos par tête de pipe au monde. Et vous n'avez qu'à regarder les marques défiler sur les routes pour comprendre que cette passion se reflète aussi dans l'industrie locale.

Miele, Guru, Rocky Mountain, Argon 18, Louis Garneau, Mongoose, De Vinci: même le troisième fabricant de bicyclettes au monde, Cannondale, est passé sous contrôle québécois en février dernier.

Selon les derniers chiffres de Vélo Québec, trois vélos sur quatre fabriqués au Canada le sont au Québec. Une industrie de 100 millions de dollars qui emploie 500 personnes.

"Je ne pense pas que ce soit une coïncidence qu'on ait tellement de fabricants et de marques de vélos ici. Il y a une belle culture de vélo au Québec, et on sent clairement un engouement", dit Mario Rossi, directeur du marketing de Guru, une entreprise qui fabrique de petites bombes haut de gamme dont le prix peut atteindre 8000$.

La société illustre le virage qu'est en train de prendre le monde du vélo au Québec. Un virage vers la qualité, largement entrepris pour éviter une locomotive qui, elle, fonce en ligne droite: la Chine.

Entre 2000 et 2007, la valeur des importations chinoises de bicyclettes a pratiquement triplé au Canada, passant de 32 à 93 millions de dollars. La production canadienne, pendant ce temps, chutait. Les Canadiens ont fabriqué 740 000 vélos au pays en 2000; on n'en faisait plus que 480 000 en 2004.

Antidumping

Les fabricants canadiens avaient pourtant réussi à mettre des bâtons dans les roues des concurrents asiatiques qui tentaient de les doubler. En 1992, ils ont convaincu le Tribunal canadien du commerce extérieur que les fabricants asiatiques vendaient leurs bicyclettes en deçà de leur coût de production ou du prix demandé dans leurs marchés locaux.

Le gouvernement a donc imposé des tarifs antidumping sur les vélos chinois et taïwanais. Ces tarifs ont été renouvelés en 1997 et en 2002; en décembre dernier, ils ont été reconduits pour la troisième fois.

Reste que tarifs antidumping ou pas, il est difficile de concurrencer les Chinois quand on parle de fabriquer des produits de consommation courante. En 2004, l'entreprise Victoria Precision, implantée à Montréal depuis 1941, a fermé ses portes, entraînant la perte de 250 emplois.

Haut de gamme

D'autres ont plutôt choisi de laisser la route aux Chinois... pour en prendre une autre. C'est le cas de Procycle, de Saint-Georges-de-Beauce, l'une des entreprises qui s'était battue le plus fort dans le passé pour convaincre le gouvernement d'imposer des tarifs antidumping aux Asiatiques.

En 2007, pourtant, l'entreprise n'est pas montée au créneau pour qu'ils soient reconduits.

"Pour la première fois, on n'a pas participé à ça, dit Raymond Dutil, président de Procycle. On a laissé le dossier à Raleigh parce qu'on n'est plus vraiment dans les bicyclettes d'entrée." Une "bicyclette d'entrée", c'est un vélo de 100 ou 200$ qu'on n'achète pas pour faire le Tour de France, mais pour se rendre du point A au point B. La spécialité des Chinois.

Or, Procycle avait déjà mis la main sur le fabricant de Vancouver Rocky Mountain en 1991. Ses produits sont d'un tout autre type: des vélos de montagne haut de gamme que les Chinois n'exportent pas ici. Et qui représentent aujourd'hui le gros des ventes de Procycle.

"On parle de produits avec des équipes d'ingénieurs, de recherche, de design, avec des brevets sur les technologies. Ce n'est pas du copié", dit M. Dutil, qui mentionne avec fierté que certains athlètes rouleront sur ses produits aux prochains Jeux olympiques.

"On n'était pas une compagnie comme ça il y a 20 ans; on l'est devenu", constate M. Dutil.

Dorel vient de faire la même chose. L'entreprise ne fabrique pas de vélos au Québec, mais s'est imposée comme l'un des principaux manufacturiers en Amérique du Nord en avalant en 2004 l'américaine Pacific Cycles.

Ses bicyclettes, bon marché, s'écoulaient dans les grandes surfaces. Mais Dorel a aussi pris le virage du haut de gamme en février dernier. L'entreprise s'est payé Cannondale, troisième fabricant mondial de vélos après Trek et Specialized et dont les modèles s'adressent aux cyclistes plus fortunés.

Bref, face à des Chinois qui pédalent plus vite, le peloton québécois a décidé de pédaler mieux. Tellement que certains fabricants sont carrément partis en échappée.