Même si elle aurait pu retirer beaucoup plus d'argent des ses ressources naturelles, l'Alberta est devenue une province richissime avec le pétrole.

Même si elle aurait pu retirer beaucoup plus d'argent des ses ressources naturelles, l'Alberta est devenue une province richissime avec le pétrole.

Et cette prospérité profite au Canada tout entier, c'est un fait que personne ne met en doute. Mais la richesse du pétrole est-elle vraiment répartie à travers le pays ?

«Oui, mais bien moins que les gens le pensent», répond Luc Godbout, fiscaliste et professeur à l'Université de Sherbrooke.

Il faut savoir que le gouvernement fédéral ne touche pas un sou des revenus pétroliers de l'Alberta, explique-t-il. Les provinces ont droit à tous les revenus provenant de leurs ressources naturelles depuis 1931.

Ce n'est donc pas le pétrole qui a engendré les surplus budgétaires importants du gouvernement fédéral, mais plutôt la réduction des transferts aux provinces, la TPS et l'augmentation des impôts. Ottawa profite indirectement de la richesse pétrolière par les impôts qu'il perçoit auprès des particuliers et des entreprises de l'Alberta, incluant les pétrolières.

Les statistiques fiscales l'attestent, le gouvernement fédéral retire plus en impôts de cette province depuis le boom pétrolier. Ces impôts venus de l'Alberta, comme ceux des autres provinces, sont ensuite redistribués aux provinces moins riches. C'est ce qu'on appelle la péréquation.

L'Alberta ne reçoit pas de paiements de péréquation, mais le Québec et six autres provinces en reçoivent. Une partie de l'argent reçu du fédéral vient donc des revenus du pétrole, mais une petite partie seulement.

Le reste vient des impôts payés à Ottawa par les résidents et les entreprises de toutes les autres provinces, y compris du Québec, qui financent en partie les paiements de péréquation qu'ils reçoivent.

La péréquation est donc financée par les impôts de tous les Canadiens. Malgré la richesse de l'Alberta, c'est en Ontario et aux Québec, les provinces les plus populeuses, qu'Ottawa retire le plus en impôts.

Floués

Une pr ovince comme l'Ontario qui ne reçoit pas de péréquation, ne profite pas du tout de la richesse pétrolière du Canada. Ce serait plutôt le contraire.

Comme l'augmentation du prix du pétrole a contribué à pousser le dollar canadien à parité avec la devise américaine, l'économie ontarienne axée sur l'industrie manufacturière et les exportations a commencé à péricliter. Plutôt que de l'enrichir, le pétrole albertain a plutôt appauvri l'Ontario.

«Avant la montée du dollar, le boom pétrolier albertain profitait à tout le monde, ce n'est plus le cas aujourd'hui», reconnaît l'économiste Robert Lacroix, qui a fait partie d'un groupe d'experts mandatés par Ottawa en 2005 pour examiner le système de péréquation canadien.

L'économie du Québec souffre aussi du dollar fort, mais ses pertes sont en partie compensées par les paiements de péréquation qu'elle reçoit. Des paiements de péréquation qui, redisons-le, contiennent un petit peu de pétrole.

Si l'Alberta, n'en retire pas assez, le gouvernement fédéral très peu et les autres provinces encore moins, qui profite donc du pétrole canadien ?

La réponse se trouve du côté des entreprises et de leurs actionnaires, qui n'ont jamais connu des années aussi fastes (voir tableau). Mais comme seulement la moitié des entreprises pétrolières actives au Canada sont canadiennes, une bonne partie de ces profits sortent du pays.

Contrairement à la Norvège, où la société d'État Statoil est un joueur actif du secteur pétrolier, l'Alberta a choisi de laisser le champ libre à l'entreprise privée.

À l'autre bout du pays, le premier ministre de Terre-Neuve, Danny Williams, a choisi une autre voie. Il a exigé une participation de 10 % dans le projet Hebron, un gisement off-shore qui contiendraient 700 millions de barils de pétrole.

Pas question, ont répondu les entreprises du partenariat, mené par Chevron. Les grosses pétrolières ont menacé de laisser tomber le projet, elles ont rompu les négociations, et sont finalement revenus à de meilleures intentions.

Danny Chavez, comme on l'a surnommé, a tenu son bout et a finalement obtenu une participation de 4,9 %. En plus des redevances, la petite province est donc assurée d'obtenir une part des profits de la production du pétrole.

Qui s'annoncent plantureux, si la tendance se maintient.