Pendant que la planète tremble devant le spectre d'une récession américaine, Gabriel Sebag, lui, sourit.

Pendant que la planète tremble devant le spectre d'une récession américaine, Gabriel Sebag, lui, sourit.

M. Sebag est président de la Maison de la monnaie, rue Sherbrooke, où il vend et achète un métal qui fait rêver les hommes depuis des siècles: l'or.

«Plus on parle de possibilité de récession aux États-Unis, plus ça fait monter la moutarde», lance-t-il en manipulant des pièces rondes et des petits lingots plats qui n'atteignent même pas la taille des biscuits soda.

L'once d'or a clôturé à 906,10 $US, hier, en hausse de 5,40 $. Et alors que les Bourses oscillent comme l'électrocardiogramme d'un malade hyperactif depuis quelques mois, le cours du métal jaune semble suivre une courbe ascendante beaucoup plus régulière.

Plusieurs en ont tiré leurs conclusions.

«Il y a une augmentation d'au moins 30% depuis trois ou quatre mois, tant du côté des acheteurs que des vendeurs», dit M. Sebag. Qui s'intéresse à l'or? «Des particuliers, des hommes d'affaires. Beaucoup se lancent dans l'argent également, ils croient qu'il n'est pas encore assez haut.»

Même son de cloche du côté de Kitco, un détaillant d'or qui a pignon sur rue dans l'État de New York et à Montréal.

«La demande est en augmentation, confirme Matthieu Bernard, du service à la clientèle. On ne parle pas d'un boom, mais d'une croissance constante.»

«C'est quelque chose qui grossit, qui croît, mais qui n'a pas encore touché l'ensemble du public», observe-t-il.

Il note un contraste entre les clients américains et canadiens. «On a beaucoup de clients qui viennent des États-Unis, souvent clairement par peur ou par volonté de sécurité. Les clients canadiens ne sont pas nécessairement motivés par la sécurité. Je crois qu'ils sont davantage intéressés à diversifier leur portefeuille.»

De l'or électronique

Si la perspective de vous balader avec de l'or dans les poches ne vous allume pas, il y toujours une autre solution: acheter votre or via l'internet.

Kitco offre le service, ainsi qu'une panoplie d'entreprises comme e-gold.com, Pecunix ou e-Bullion.

Les lingots que vous achetez en quelques clics de souris sont bien réels. Mais vous ne les verrez jamais. Ils sont dans les voûtes de banques, souvent en Suisse, parfois en Australie ou au Canada. Leur valeur est inscrite dans votre compte; vous pouvez choisir de l'économiser, ou vous en servir pour faire des achats en ligne - de plus en plus d'entreprises acceptent «l'or électronique» comme paiement.

«L'équivalent d'un compte de banque, mais plutôt que d'avoir des dollars dedans, on a des grammes d'or», résume Sylvain Falardeau, fondateur de xgold, un agent de change qui fait passer l'argent des clients de leur compte bancaire à leur compte d'or électronique ou l'inverse.

«Nos ventes sont plus élevées cette année que l'an passé. Il y a une augmentation, ça c'est clair», dit-il aussi.

Une entreprise comme e-gold, basée dans les Caraïbes, gère près de 5 millions de comptes de métaux électroniques. La plupart contiennent de l'or, mais il existe aussi des comptes d'argent, de platine et de palladium électroniques.

Jeudi, l'entreprise disait avoir transigé 57,95 kilos d'or dans les 24 heures précédentes - l'équivalent d'environ 1,7 millions US.

Avec un prix de l'or élevé, Sylvain Falardeau disait hier transformer davantage d'or en dollars que l'inverse.

«Ce n'est pas nécessairement parce que le prix est haut que les gens achètent. Souvent, ils attendent justement un peu parce qu'ils ont l'impression qu'il va redescendre.»

Il avoue que si l'idée de payer ses achats en «or électronique» gagne du terrain, elle reste un brin obscur pour le commun des mortels. «On dirait que c'est sorti du folklore d'une certaine façon. Les jeunes, par contre, sont peut-être davantage enclin à ce type de paiement.»

Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky Fraser, met toutefois en garde contre l'attrait de l'or. Il souligne que le prix de l'or est souvent gonflé par l'optimisme de ceux qui le voient grimper; sa valeur ne reflète donc pas une situation actuelle, mais bien un scénario futur.

«Votre particulier serait mieux d'acheter le titre d'une compagnie aurifère qui anticipe que le prix de l'or va baisser ou qu'il va se maintenir», dit-il.

«N'oubliez pas non plus que les hedge funds, les fonds de couverture, achètent l'or à très court terme pour profiter de l'engouement. Aussitôt qu'ils décident qu'ils ont fait leur profit, ils vendent. Et le prix peut redescendre très rapidement.»