Le gouvernement du Québec tente d'obtenir la collaboration des Bahamas afin d'identifier le Québécois qui se cache derrière un fonds d'investissement faisant l'objet d'une enquête.

Le gouvernement du Québec tente d'obtenir la collaboration des Bahamas afin d'identifier le Québécois qui se cache derrière un fonds d'investissement faisant l'objet d'une enquête.

Le fonds en question s'appelle Kenneth W. Salomon Investment Fund et son compte de courtage est à Montréal. Officiellement, le fonds Kenneth, des Bahamas, était la propriété du financier offshore Martin Tremblay.

Or, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a découvert que Martin Tremblay n'était en réalité qu'un prête-nom pour ce fonds servant à cacher l'identité du véritable propriétaire québécois.

Cet investisseur aurait transféré des fonds dans Kenneth aux Bahamas afin qu'ils puissent être investis au Québec incognito, est-il écrit dans une récente décision du BDRVM, le tribunal des valeurs mobilières du Québec.

«L'AMF a demandé l'aide du ministère de la Justice du Québec afin que le ministère de la Justice du Canada utilise les mécanismes internationaux d'entraide afin d'obtenir l'aide des Bahamas», est-il écrit dans cette décision du BDRVM rendue le 25 octobre, mais publiée dans le bulletin de l'AMF du 14 décembre.

Les lois des Bahamas concernant la confidentialité empêchent l'AMF de poursuivre efficacement son enquête sur Kenneth, explique-t-on dans la décision.

Comme bien des paradis fiscaux, en effet, les Bahamas ne collaborent généralement pas pour aider les législations étrangères, à moins qu'il ne s'agisse d'une affaire pénale ou criminelle.

L'évasion fiscale n'est pas une raison pour collaborer.

Déblocage

Le BDRVM ne mentionne pas les motifs d'enquête de l'AMF. L'organisme demandait au BDRVM de poursuivre le blocage des fonds de Kenneth, gelé depuis le 10 février 2006.

Le BDRVM a refusé cette demande, le 25 octobre.

Les deux commissaires du BDRVM avaient un avis différent sur le sujet, mais c'est l'opinion du président de l'audience, Jean-Pierre Major, qui a eu prépondérance.

M. Major estime que cette huitième demande de prolongation de l'AMF était déraisonnable et affectait les droits du détenteur des fonds.

L'enquête sur Kenneth est au point mort depuis longtemps en raison des démarches qui ont cours entre l'AMF et les ministères de la Justice du Québec et du Canada pour la demande aux Bahamas.

«Ces délais sont déraisonnables et sont dus à la lourdeur bureaucratique», écrit Jean-Pierre Major.

Le fonds Kenneth avait comme firme de courtage Jones Gable, de Montréal. Le courtier qui a ouvert ce compte avec Martin Tremblay en 2003 et l'a géré pendant presque trois ans s'appelle Louis-Philippe Séguin.

Ce dernier a été convoqué pour un interrogatoire par l'Association des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM), mais il a refusé de collaborer.

Le 14 février, l'ACCOVAM tiendra d'ailleurs une audience pour fixer les sanctions qui lui seront imposées. L'enquête portait notamment sur le fonds Kenneth.

En octobre dernier, Louis-Philippe Séguin a été reconnu coupable de délit d'initié sur le titre de Garda World, mais la cause a été portée en appel. Louis-Philippe Séguin se dit victime d'une vendetta bureaucratique de la part de l'ACCOVAM et de l'AMF et se déclare innocent.

Selon des documents du BDRVM, le fonds Kenneth contenait environ un million de dollars de titres boursiers de PME du Québec, tel Alphinat, Imaflex, Kree Tech, Typhoon Exploration, Wanted Technologies, D-Fense Capital et MD Multimedia.

Ni l'AMF ni les ministères de la Justice du Québec et du Canada n'ont voulu commenter l'affaire Kenneth ou expliquer les longs délais pour faire une demande aux Bahamas.