Air Canada (T.AC.B) est sur le point de connaître une nouvelle incarnation.

Air Canada [[|ticker sym='T.AC.B'|]] est sur le point de connaître une nouvelle incarnation.

La société de portefeuille Gestion ACE Aviation [[|ticker sym='T.ACE.A'|]] entend faire voler de leurs propres ailes chacune de ses divisions, dont Air Canada, et disparaître.

Progressivement, elle a inscrit en Bourse le Fonds de revenu Aéroplan, le Fonds de revenu Jazz et Air Canada, en plus de vendre une partie d'ACTS (la société d'entretien d'aéronefs) à des fonds d'investissement privés.

Il ne lui reste plus que des participations de 20,1% dans Aéroplan, 9,5% dans Jazz, 23% dans ACTS et 75% dans Air Canada.

Les actionnaires d'ACE n'ont pas trop à se plaindre. Selon Kevin Crissey, de la firme UBS, ils ont vu leur investissement croître de 265 % entre le 4 octobre 2005 et le 5 décembre 2007, compte tenu de l'appréciation du titre et des dividendes d'Aéroplan et de Jazz.

Il soutient toutefois que ce résultat est surtout lié à la performance financière d'Aéroplan et d'Air Canada, et non pas à la stratégie d'essaimage en tant que telle.

Il y a deux semaines, Robert Milton a indiqué qu'ACE entendait se départir de ses derniers intérêts dans Aéroplan et Jazz. L'avenir d'Air Canada est plus problématique.

Les titres des transporteurs américains ont piqué du nez ces derniers mois, entraînant celui de la société canadienne.

ACE, qui espérait se dissoudre dans les six mois, devra peut-être attendre encore un peu avant de se défaire de ses derniers intérêts dans Air Canada, compte tenu de ce marché plus difficile.

Les actions d'Air Canada avaient fait leur apparition sur le marché boursier à 21 $ en novembre 2006. Elles s'échangent ces jours-ci autour de 9,83 $.

Cette dégringolade a attiré l'attention de fonds de retraite et de fonds d'investissement privés, à la recherche d'une bonne affaire.

En vertu de la législation existante, les intérêts étrangers ne peuvent détenir plus de 25% d'Air Canada.

Robert Milton a cependant fait valoir que cette restriction ne constituait pas un problème et qu'il y avait «beaucoup d'argent au Canada».

Chris Murray, des Marchés mondiaux CIBC, affirme que des fonds de retraite canadiens peuvent effectivement se montrer intéressés, comme le Régime de pension du Canada, la caisse des employés municipaux de l'Ontario OMERS, la caisse de retraite des enseignants ontariens Teachers et la Caisse de dépôt et placement du Québec.

«On ne parle pas de sommes énormes, souligne M. Murray. Il y a 75 millions d'actions disponibles: au prix courant, c'est moins de 800 millions de dollars.»

Du côté des fonds d'investissements privés, on pourrait voir le retour d'Onex.

La société de Gerald Schwartz est toujours intéressée au secteur aérien: l'année dernière, elle a tenté, sans succès, de faire l'acquisition du transporteur australien Qantas dans le cadre d'un groupe mené par la MacQuarie Bank.

En raison des règles de propriété canadienne, il serait peu probable de voir un transporteur américain mettre la patte sur Air Canada, croit Chris Murray.

Il voit plutôt ACE et Air Canada participer au mouvement de consolidation au sud de la frontière par le truchement d'investissements dans des sociétés aériennes américaines faisant partie du regroupement Star Alliance.

Il a donné l'exemple de l'investissement d'ACE dans US Airways : la société de portefeuille avait investi 75 millions US dans le transporteur américain en septembre 2005.

Elle avait vendu la presque totalité de cet investissement l'année suivante pour plus de 200 millions US.

Une autre voie s'offre à ACE: racheter la participation des actionnaires minoritaires d'Air Canada. Ce n'est pas la préférence de la direction d'ACE, mais il y a deux semaines, Robert Milton a déclaré que, compte tenu de la valeur de l'action d'Air Canada, aucune solution ne pouvait être mise de côté.

Le statu quo

Chris Murray indique qu'ACE pourrait aussi choisir le statu quo pour l'instant.

Isabelle Dostaler, de l'Université Concordia, croit qu'un changement de propriété d'Air Canada n'aura pas beaucoup d'incidence sur la gestion quotidienne de l'entreprise, qui a enregistré des profits de 429 millions en 2007.

Le transporteur avait terminé l'exercice précédent avec une perte nette de 74 millions. Elle estime que tout acquéreur conservera l'équipe de gestion, «une équipe gagnante».

«Est-ce que ça importe beaucoup, qui est propriétaire d'Air Canada? demande-t-elle. Ce qui compte, ne serait-ce pas le service à bord, le maintien des emplois?»

Pour sa part, Jacques Roy, professeur à HEC Montréal, s'inquiète au sujet du transporteur.

«Avant toutes ces péripéties, une partie de la richesse d'Air Canada résidait dans Aéroplan et dans ses services d'entretien (ACTS), c'était son coussin de sécurité, estime-t-il . Il ne reste plus qu'une société aérienne qui s'est ré-endettée pour acquérir des appareils de neuf milliards de dollars.»

Or, il faudra renégocier les conventions collectives avec les employés l'année prochaine. Et personne n'a de contrôle sur le prix du carburant.

«Est-ce qu'on a engrangé suffisamment d'argent dans Air Canada pour passer à travers les mois difficiles qui s'en viennent?» s'interroge-t-il.

Contourner les règles

Selon Chris Murray, des Marchés mondiaux CIBC, il serait toujours possible de contourner les règles sur la propriété canadienne d'Air Canada.

Il donne l'exemple de la structure actuelle d'Air Canada, qui compte des actions de catégorie A, réservées aux étrangers, et des actions de catégorie B, réservées aux Canadiens.

Les droits de vote associés aux actions de catégorie A sont modulés de façon à ce que le vote total de cette catégorie ne dépasse pas 25% de l'ensemble des droits de vote.

Une autre règle exige que le conseil d'administration d'Air Canada soit contrôlé par des Canadiens.

Selon M. Murray, cette règle peut aussi être contournée. «Un fonds de retraite américain sera toujours capable de trouver un citoyen canadien qui pourra le représenter», déclare-t-il.