On entend toujours parler des inconvénients du travail de nuit. Et pourtant, plus de gens qu'on pense aiment bien bosser à l'heure où les autres font de beaux rêves.

On entend toujours parler des inconvénients du travail de nuit. Et pourtant, plus de gens qu'on pense aiment bien bosser à l'heure où les autres font de beaux rêves.

Louis Couaillier, 29 ans, a travaillé de nuit pendant quatre ans. Un an comme manutentionnaire, pour payer l'université, puis deux ans pour des stations de radio et une chaîne de télévision.

«On râle toujours un peu parce que sortir avec les amis n'est pas possible. Par contre, quel que soit le métier, l'ambiance est très spéciale», ajoute-t-il. D'abord, il n'y a pas de patron. Ensuite, on peut respirer par le nez, «un luxe dans une salle de nouvelles!»

L'autonomie est également un précieux avantage, note Louis Couaillier. L'impression de partager le même sort influence aussi les relations humaines. «On peut aussi plus discuter avec les collègues. Il y a une sorte de solidarité entre travailleurs nocturnes.»

Dan Capshaw est associé d'une boîte-conseil américaine spécialisée dans le travail par équipes, Shiftwork Solutions. «C'est malheureux que le travail de nuit ait si mauvaise réputation, parce qu'il ne pose pas toujours problème.» En fait, chez son dernier client, une usine de haute technologie à Phoenix, 19% des travailleurs souhaitaient obtenir le quart de nuit et environ 23%, le quart de soir.

«Dans les usines, le travail de nuit se fait dans un environnement un peu moins stressant, explique Dan Capshaw. On intervient moins sur les chaînes de montage. De plus, il y a moins de chefs et d'ingénieurs présents, bref moins de ces personnes qui tendent à vouloir constamment apporter des changements dans la routine des travailleurs.»

En 10 ans, Dan Capshaw estime avoir fait remplir un questionnaire sur la qualité de vie à environ 20 000 travailleurs concernés par les rotations. Résultat: 15% préfèrent le quart de nuit aux quarts de jour ou de soir. Outre la relative sérénité du travail de nuit, l'aspect financier joue un rôle pour certains. Par exemple, pour assurer une disponibilité et une présence optimales du personnel clinique cet été, le gouvernement a doublé la prime de nuit à laquelle ont droit les employés à temps plein. Parfois, ce n'est ni le calme ni l'apport financier supplémentaire qui intéresse les travailleurs. Comme ses collègues, Éric, un pompier dans la mi-trentaine, travaille en rotation. Son quart préféré est celui de nuit.

«On ne reçoit pas le même type d'appels. La nuit, il faut réveiller les gens, il faut les aider à évacuer. Il y a un petit peu plus d'adrénaline», affirme Éric. Par contre, il n'aimerait pas travailler exclusivement la nuit, à cause des effets sur la vie sociale. Mais avec les rotations, dit-il, «ça fait changement, c'est même bien».

Chercheuse au Laboratoire de chronobiologie de l'hôpital Sacré-Coeur de Montréal, Marie Dumont ne peut s'enthousiasmer pour le travail nocturne. «D'un point de vue physiologique, je n'y vois aucun avantage», affirme la professeure au département de psychiatrie de l'Université de Montréal. «Au mieux, les gens n'ont pas trop de problèmes.»

Horaire apprécié

Cependant, elle reconnaît que certaines personnes qui tolèrent bien les effets physiologiques du travail de nuit apprécient beaucoup cet horaire. Les raisons: «Moins de patrons, plus de responsabilités et un travail de nature un peu différente la nuit.» S'ajoute parfois un goût personnel pour la vie nocturne.

Selon Dan Capshaw, le grand défi de ces travailleurs consiste à obtenir un sommeil de qualité. «Dans la journée, les interruptions sont constantes. Il suffit que le facteur passe et soudain, le chien se met à japper et vous réveille.»

Reste donc à évaluer si le jeu en vaut la chandelle. Alexandre Montambault est avocat. Pendant cinq ans, il a accepté les appels de nuit.

«Deux sortes de gens téléphonaient: les personnes qui venaient de se faire arrêter et celles qui angoissaient sur leurs problèmes de nature civile. Disons que celles-là n'étaient pas nécessairement des modèles de stabilité émotive.»

C'était une bonne idée d'affaires? «En cinq ans, j'ai eu un seul bon dossier, je pense. Mais pour ce qui est du reste, oubliez ça, ça n'a jamais été des clients rentables.» Le travail de nuit, Alexandre Montambault le laisse maintenant aux autres. Il faut quand même y trouver son compte, quoi!