BCE (T.BCE) doit-elle vite réconforter ses actionnaires frustrés de l'avortement d'une riche transaction ? Ou plutôt, rehausser la compétitivité de sa filiale Bell Canada en investissant massivement dans ses réseaux de télécoms ?

BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]] doit-elle vite réconforter ses actionnaires frustrés de l'avortement d'une riche transaction ? Ou plutôt, rehausser la compétitivité de sa filiale Bell Canada en investissant massivement dans ses réseaux de télécoms ?

C'est le dilemme auquel est confrontée la haute direction de BCE, après l'échec confirmé du rachat concocté avec le fonds torontois Teachers' et ses associés américains.

«BCE doit vite préciser sa stratégie face aux nombreuses questions des investisseurs boursiers. Elle doit balancer ses investissements de croissance avec le désir de ses actionnaires d'encaisser des fonds», a résumé Troy Crandall, analyste chez MacDougall, MacDougall & MacTier, à Montréal.

Pour le moment, tout indique que le conseil d'administration de BCE, souvent critiqué lors de cette saga avortée, tentera un autre exercice d'équilibriste. Elle commencera par ses actionnaires. BCE s'est empressée hier d'annoncer qu'elle réinstaurera le versement de dividende trimestriel dès janvier. Ce dividende avait été suspendu en juillet dernier lors d'amendements à l'entente de transaction avec Teachers', à la demande de ses banquiers. Il vaut 36,5 cents par action ordinaire, ou 293 millions en tout à distribuer parmi les actionnaires.

Toutefois, BCE n'a soufflé mot des deux dividendes trimestriels loupés par ses actionnaires depuis six mois. Ces dividendes vaudraient au moins 586 millions, que des actionnaires pourraient tenter de réclamer par des recours juridiques contre BCE. Mais du point de vue d'analystes, de tels dividendes rétroactifs demeurent très improbables.

Dvai Ghose, analyste en télécoms chez Genuity Capital à Toronto, estime que BCE voudra éviter que ces dividendes rétroactifs profitent aux investisseurs spéculateurs qui ont largement infiltré son actionnariat depuis un an. D'ailleurs, une meilleure solution du point de vue de BCE a aussi été annoncée hier: le déclenchement prochain d'un programme de rachat de ses actions en circulation. Les conditions de ce rachat restent à préciser. Le précédent chez BCE, en 2007, avait impliqué 40 millions d'actions pour un milliard. Pour le prochain rachat d'actions, les analystes s'attendent à un plan d'une ampleur comparable, autour de 25$ par action.

Bref, avec un rachat d'actions d'un milliard et la reprise d'un dividende trimestriel de 293 millions, BCE canaliserait quelque 1,5 milliard vers ses actionnaires d'ici le milieu de l'année 2009.

Restructuration

Cette somme représente la moitié des liquidités disponibles chez BCE, estimées à près de trois milliards par les analystes. Quant à l'autre moitié des liquidités, elle servirait surtout à soutenir les prochaines étapes du plan de restructuration initié par George Cope, chef de la direction depuis quelques mois. Même que pour certains investisseurs en action de BCE, ça devrait être la première priorité de l'entreprise.

«Un rachat d'actions, c'est un moins dans un secteur (télécoms) où il y a toujours beaucoup de dépenses à faire pour améliorer les infrastructures et rester compétitif. BCE a négligé ces investissements et ce n'est qu'une question de temps avant que ça la rattrape», a résumé Luc Fournier, gestionnaire de fonds d'investissement à l'Industrielle-Alliance.

Depuis sa nomination en juillet, avec l'appui tacite de Teachers', George Cope a déjà amorcé l'allègement de la gestion de Bell en supprimant 2500 postes administratifs. Il a aussi revampé le marketing des services de télécoms.

Du côté des résultats financiers, toutefois, l'impact de cette restructuration reste à voir. D'autant plus que la récession qui débute en Ontario et au Québec, les deux principaux marchés de Bell, risque de nuire à ses espoirs de croissance et de rentabilité. Au troisième trimestre 2008, le bénéfice net de BCE était encore bien inférieur à la moyenne des trimestres précédents. Pour l'ensemble de l'exercice 2008, et le suivant -2009 -, les analystes anticipent au mieux la stagnation du bénéfice par action. Les revenus totaux de BCE stagnent déjà depuis plusieurs trimestres, défiés par la perte de milliers d'abonnés du téléphone filaire et la compétitivité insuffisante de sa téléphonie sans fil.

D'ailleurs, de l'avis d'analystes, Bell devra investir des centaines de millions de dollars pour rehausser son réseau sans fil au niveau de son principal rival : Rogers Communications.

Pour le moment, le décalage technique de Bell nuit à l'offre rapide des plus récentes nouveautés du sans fil, comme le téléphone multimédia iPhone d'Apple. Par ailleurs, le réseau de téléphone par fil de Bell suffit de moins en moins aux besoins des nouveaux services de télécoms à haut débit.

Cette situation nuit déjà à ses efforts de contrer la concurrence accrue des câblodistributeurs, comme Vidéotron au Québec, dont le réseau de forte capacité a permis d'ajouter des services qui soutirent des dizaines de milliers de clients à Bell Canada.

Selon des analystes, la solution à cette embûche technique du téléphone filaire requerra sans doute des investissements massifs de Bell dans la fibre optique, jusqu'au domicile ou au bureau de ses clients.

Autre très coûteux défi en perspective.