À la suite d'un long débat, les premiers pots de margarine jaune ont été introduits dans des épiceries du Québec.

À la suite d'un long débat, les premiers pots de margarine jaune ont été introduits dans des épiceries du Québec.

Pendant que des producteurs de margarine se frottaient les mains, les producteurs de lait préparaient déjà une riposte en s'attaquant au nom de la matière grasse oléagineuse tant redoutée.

Les clients du IGA Louise-Ménard du Complexe Desjardins, parmi d'autres dans la province, ont eu accès pour la première fois hier à la margarine Becel Or au goût de beurre.

Ce nouveau produit marque le retour de la margarine jaune après une éclipse de 21 ans et un combat épique de la part des producteurs laitiers pour empêcher sa venue.

«Nous sommes ravis», a commenté Sean McPhee, porte-parole d'Unilever, le géant de l'agroalimentaire anglo-néerlandais à l'origine d'une longue bataille juridique pour la margarine jaune qu'il avait perdue en Cour suprême. «Nous sommes confiants de voir une augmentation de nos ventes à mesure que nous étendrons la couleur jaune à nos autres marques.»

D'ici quelques mois, toutes les margarines d'Unilever, qui contrôle 65% du marché de la margarine au Canada, auront la couleur jaune. Les autres producteurs de margarine prendront aussi le virage.

Les producteurs de lait ripostent

La Fédération des producteurs de lait n'a pas voulu commenter hier l'introduction de la margarine jaune en tant que telle, s'attaquant plutôt au nom du nouveau produit : «Nous ne referons pas le débat, a dit son porte-parole, François Dumontier. En revanche, le nom Becel Or au goût de beurre contrevient clairement aux dispositions de la loi sur les produits agricoles du Québec.»

L'attaché de presse du ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, a confirmé qu'une équipe du Ministère se penchait à l'heure actuelle sur l'appellation qui établirait, selon les producteurs de lait, un parallèle erroné entre le beurre et la margarine jaune.

La décision d'autoriser la margarine jaune remonte à juillet dernier dans la foulée de l'élargissement de l'accord sur le commerce intérieur au Canada : «Nous pensons que les Québécois sont maintenant capables de faire la différence entre le beurre et la margarine jaune», a indiqué Jack Roy.

Impact incertain

En dépit des craintes des producteurs laitiers, des experts consultés ont dit ne pas croire à un impact majeur à l'arrivée de la margarine jaune : «Depuis le temps que le débat a lieu, les gens ont appris à faire la différence entre le beurre et la margarine», a dit Ruth Dupré, économiste à HEC Montréal.

«À ma connaissance, le Québec restait le seul endroit au monde à interdire la coloration de la margarine. C'était un anachronisme extraordinaire.»

«Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la margarine et le beurre sont souvent des produits complémentaires plutôt que de substitution», a ajouté Bruno Larue, professeur au Département d'économie agroalimentaire de l'Université Laval.

Les ventes annuelles de la margarine et du beurre se chiffrent à 750 millions au Canada. Malgré un volume de vente plus faible, le beurre, qui se détaille deux fois plus cher que la margarine, accapare 419 millions de cette assiette.

«S'il devait y avoir une différence, ce sera, selon moi, bien plus dans les marges des producteurs de margarine, qui pourront gérer un seul inventaire pour le Québec et le Canada, que dans les ventes totales», a suggéré Mme Dupré.