L'ardoise a la cote. Oubliée dans les années 50 au profit de matériaux moins chers, cette pierre naturelle connaît une nouvelle vie au Québec depuis quelques années grâce à des entrepreneurs passionnés.

L'ardoise a la cote. Oubliée dans les années 50 au profit de matériaux moins chers, cette pierre naturelle connaît une nouvelle vie au Québec depuis quelques années grâce à des entrepreneurs passionnés.

«J'ai doublé mon nombre d'employés l'an dernier, et je le doublerai encore l'an prochain», dit Maurice Labbé, propriétaire d'Ardobec, une PME d'Asbestos, près de Sherbrooke, dont le chiffre d'affaires oscille aujourd'hui autour d'un million de dollars.

M. Labbé parle avec passion de cette pierre chaleureuse et résistante, qu'il destine autant à une clientèle nantie qu'à une classe moyenne désireuse d'ajouter une «touche» d'ardoise sur un mur, autour d'un foyer ou encore dans son jardin.

Pour la noblesse d'autrefois

«Autrefois, l'ardoise était réservée à la noblesse. Mais aujourd'hui, avec une meilleure répartition des richesses, un plus grand bassin de gens peuvent se la permettre», affirme Jean-Noël Boissé, président d'Ardoise 55, une autre PME estrienne, établie à Bromptonville.

Toutes deux créées à la fin des années 90, Ardoise 55 et Ardobec sont parmi les quatre ou cinq entreprises québécoises qui vivent aujourd'hui exclusivement de l'exploitation de cette pierre schisteuse qui abonde dans le sous-sol des Appalaches.

Ardobec tire la pierre d'un gisement qui avait été abandonné dans les années 20. Il servait alors pour la fabrication de tableaux d'école et le revêtement de bâtiments prestigieux: «Des paysagistes se sont montrés intéressés par le produit. J'ai décidé de me lancer par passion», explique M. Boissé, fier de faire revivre une industrie délaissée.

M. Labbé explique pour sa part la renaissance de l'ardoise par le fait que les Québécois ont redécouvert la pierre naturelle au début des années 90: «Des pierres de tout genre arrivent aujourd'hui des quatre coins du monde, et même de l'ardoise du Brésil ou de la Chine. Nous avons profité de cette vague», mentionne-t-il.

Des toits en ardoise

Le leader de l'ardoise au Québec est cependant sans conteste Glendyne, de Saint-Marc-du-Lac-Long, dans le Bas-Saint-Laurent.

L'entreprise, elle aussi créée dans les années 90, est aujourd'hui le plus grand producteur d'ardoise en Amérique du Nord. Elle en extrait 25 000 tonnes de sa carrière, l'une des plus grandes au monde. Son chiffre d'affaires atteint 25 millions et elle emploie plus de 300 personnes.

«Nous sommes dans un créneau complètement différent de la plupart des autres entreprises d'ardoise au Québec», dit son PDG, Dany Dumont.

Alors que ces dernières ciblent une clientèle essentiellement provinciale, Glendyne se spécialise dans les toits en ardoise, une rareté en Amérique du Nord, et encore davantage au Québec: «Il y a encore un travail d'éducation à faire, dit-il. Les gens ont l'impression que l'ardoise est fragile, mais c'est tout le contraire.»

Selon M. Dumont, l'ardoise, noble et durable, est le matériau idéal pour un toit: "Un toit en ardoise peut durer plus de 100 ans", assure-t-il.

Pour l'instant, Glendyne réalise 95% de son chiffre d'affaires à l'extérieur des frontières, surtout en Europe, où des régions comme la Bretagne et la Normandie, en France, en sont couvertes: «Ça reste vu comme un luxe ici.»

Seule ombre au tableau, l'ardoise est chère. À un coût variant de 3 à 15$ le pied carré, selon les usages, elle est de quatre à cinq fois plus chère qu'un autre matériau.