Le Montréalais Ruby Arbeiter travaille dans l'industrie du jouet depuis 40 ans. À ses débuts, se rappelle-t-il, il pouvait en acheter un peu partout.

Le Montréalais Ruby Arbeiter travaille dans l'industrie du jouet depuis 40 ans. À ses débuts, se rappelle-t-il, il pouvait en acheter un peu partout.

«Beaucoup de jouets étaient produits au Canada, aux États-Unis ou en Europe. Aujourd'hui, il n'y en a plus», explique M. Arbeiter. Son entreprise, Jouets JRC, importe des joujoux pour des chaînes de magasins comme Korvette et Tigre géant, bien implantées dans les régions du Québec.

Quand on lui demande si ses clients sont plus précautionneux par les temps qui courent, il n'hésite pas une seconde: oui, ils le sont. Mais du même souffle, il ajoute qu'ils ne pourraient pas faire grand-chose s'ils décidaient d'éviter complètement la Chine.

«Tous les produits auxquels je pense actuellement viennent de Chine. Que ce soit Fisher-Price, Mattel ou Hasbro, c'est pareil.»

Des données exclusives compilées par Statistique Canada à la demande de La Presse lui donnent raison. Dans la catégorie des jouets traditionnels comme les modèles réduits, les poupées et autres casse-tête, 78 % des importations au Canada viennent de Chine. Valeur 775 millions de dollars en 2006.

Quand on ajoute une autre catégorie de jouets (jeux électroniques et jeux de société), on double cette valeur et on atteint le milliard et demi. De quoi tenir occupés bien des lutins pendant de longs mois!

En fait, la Chine a produit pour près de 20 milliards de dollars de jouets de toutes sortes l'an dernier, ce qui représente entre 70 % et 80 % de la production mondiale, selon des données d'associations de fabricants chinois.

Les jouets ont suivi le même chemin que le textile et les meubles. Aujourd'hui, la Chine détient 32 % du marché du meuble importé au pays. Pour ce qui est des ordinateurs, le principal bien importé de Chine avec ses 4,1 milliards, la proportion atteint 39 %.

Ces chiffres sont impressionnants, mais ils cachent une réalité plus complexe. Dans le cas de certains produits de pointe, seul l'assemblage est fait en Chine, le gros des pièces provenant d'autres pays, du Japon notamment.

N'empêche que la Chine, avec ses bas salaires, est bel et bien devenue la fabrique du monde. Et le Canada - comme les États-Unis et les autres économies développées - a vu se creuser son déficit commercial avec l'Empire du milieu.

En 2002, la différence entre tout ce qu'on importait de Chine et ce qu'on y exportait atteignait 11,9 milliards de dollars. Fin 2006, cet écart était de 26,8 milliards. La valeur de nos importations a frôlé les 35 milliards l'an dernier. Depuis le début de 2007, la balance commerciale Canada-Chine se détériore encore.

Au Québec, les importations de Chine ont atteint 6,8 milliards en 2006, en progression de 16,5 % par rapport à 2005. La Chine se classe ainsi au deuxième rang des pays d'où les Québécois importent le plus. Ça représente le double de nos importations en provenance du Mexique, même si ce pays est beaucoup plus proche.

De bons côtés

N'en déplaise aux quelque 100 000 employés du secteur manufacturier québécois qui ont perdu leur emploi depuis 2002, cette présence accrue du géant chinois a aussi de bons côtés. D'abord pour ceux qui ont une hypothèque.

L'arrivée en masse de produits chinois sur le marché canadien a en effet contribué à garder les prix bas, voire à les réduire dans certains cas. Ainsi, qui dit peu d'inflation dit aussi une faible pression sur les taux d'intérêt.

«Dans ce cycle d'expansion, la venue de produits de l'Asie, notamment de la Chine, a pu tempérer la progression des prix, de sorte que l'inflation au pays n'est pas une source de préoccupation», explique Hélène Bégin, économiste au Mouvement Desjardins.

«En fait, ça a pu maintenir les taux d'intérêt directeurs à des taux plus faibles.»

Autres grands gagnants: les détaillants. «En important davantage de produits à bas prix, ils ont pu avoir des marges bénéficiaires nettement supérieures», explique Mme Bégin, graphique à l'appui.

Pour les consommateurs, c'est moins clair. «Ça amène beaucoup de produits moins chers. La qualité, c'est une autre question. Ils coûtent moins cher, mais ils durent peut-être moins longtemps. Le consommateur n'est peut-être pas gagnant au bout du compte.»

L'épisode du plomb dans les jouets de Mattel est venu le rappeler assez clairement.

NDLR: Évidemment, tous les emplois perdus dans le secteur manufacturier ne sont pas attribuables aux importations chinoises. La crise du bois d'oeuvre y est aussi pour quelque chose.