Désormais libres de garnir à souhait leurs REER de titres étrangers, les Canadiens ont réalisé des investissements internationaux records au premier trimestre.

Désormais libres de garnir à souhait leurs REER de titres étrangers, les Canadiens ont réalisé des investissements internationaux records au premier trimestre.

Ils ont fait pour 11 G$ de placements étrangers en mars, comparativement à 10 G$ pour le même mois l'an dernier, pour une augmentation de 10 % qui porte le total trimestriel à un sommet de 25,7 G$, révèle Statistique Canada.

L'agence fédérale attribue la performance de mars aux prises de contrôle de sociétés canadiennes par des homologues étrangères, à la popularité des «obligations feuille d'érable» (ces obligations étrangères émises au Canada en dollars canadiens), à la vigueur du dollar et à des taux d'intérêt favorables en Europe.

Les investisseurs canadiens ont acquis pour 2,9 G$ d'actions étrangères, complétant ainsi un sixième mois consécutif d'achats «soutenus», souligne-t-elle.

En tout, ils ont acheté pour 14 G$ de titres internationaux au cours des six derniers mois.

Éric Boulay, de la division de la balance des paiements de Statistique Canada, attribue les progrès des investissements à l'étranger à l'effet progressif de la levée du plafond de 30 % des placements internationaux dans les REER canadiens, entrée en vigueur au début de 2006.

«La réaction n'a pas été immédiate, mais il y a définitivement là une tendance», estime-t-il.

Même son de cloche chez Brian O'Neil, analyste chez Mornginstar Canada, qui observe une croissance des placements dans des actions étrangères depuis environ un an.

«Durant des années, il y avait peu d'incitatifs à aller à l'étranger, parce que les titres internationaux ne rapportaient pas tant que ça et que les actions canadiennes était si peformantes», ajoute-t-il.

Selon lui, le message des gestionnaires de fonds, qui prônent une diversification internationale en raison de la forte concentration du marché canadien dans les secteurs des ressources et des banques, commence à passer.

L'intérêt des «obligations feuille d'érable», qui permettent de saisir les occasions de placement à l'étranger sans courir le risque des variations des taux de change, est aussi entré en ligne de compte.

Le marché des obligations feuilles d'érable croît fortement depuis deux ans, et la tendance pourrait s'accentuer encore puisque le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a décidé lors de son dernier budget de permettre aux particuliers d'en acheter pour leurs REER.

«Ce sont des placements qui offrent de bonnes garanties et de bons taux», signale M. Boulay.

La vague actuelle des fusions et acquisitions se trouve également à soutenir l'investissement étranger: les achats nets du dernier mois ont tous été faits en actions américaines, et la moitié d'entre eux consistent en titres remis aux actionnaires canadiens lors des acquisitions d'entreprises du pays par des sociétés américaines.

À l'inverse, les actions canadiennes ont connu une baisse de popularité sur les marchés mondiaux en mars: les investisseurs étrangers ont réalisé pour 4,7 G$ de placements canadiens, mais ils l'ont fait en achetant des obligations, un véhicule sécuritaire, et en vendant des actions. En février, ils avaient placé pour 4,8 G$ au Canada.

En tout, ils ont vendu pour 4,2 G$ d'actions canadiennes en mars, alors qu'ils en avaient acheté pour 5 G$ en février.

Les actions canadiennes ont souffert des craintes d'un ralentissement de la croissance chinoise qui ont émergé à la fin février.

Les titres de ressources naturelles, qui portent le TSX depuis plusieurs trimestres, ont chuté à la perspective d'une demande chinoise diminuée.

Selon Brian O'Neil, rien ne démontre jusqu'à maintenant que l'engouement pour les placements à l'étranger nuit à l'achat de titres canadiens.

«D'énormes fonds de pension investissent toujours massivement sur le marché canadien», dit l'analyste.

Mais si la tendance s'accentuait, elle pourrait en théorie avoir un impact sur le marché boursier du pays, précise-t-il.