En plus de proposer un système non polluant pour vider nos poubelles, elle veut les transformer en sources d'énergie. Histoire d'une entreprise québécoise qui monte sur le marché vert international.

En plus de proposer un système non polluant pour vider nos poubelles, elle veut les transformer en sources d'énergie. Histoire d'une entreprise québécoise qui monte sur le marché vert international.

Peter Pascali a un rêve. Il rêve du jour où chacun retraitera ses déchets pour alimenter sa maison en électricité ou son système de chauffage. Un scénario irréaliste? Sans doute pas pour la génération de nos enfants et petits-enfants, espère celui qui dirige PyroGenesis depuis 1992.

Lucide, il préfère d'abord s'attaquer aux déchets industriels et commerciaux, à commencer par les plus dangereux et nocifs pour l'environnement. «Nous avons réussi à utiliser le plasma pour détruire presque tous les déchets et s'ils ont des composants organiques, les convertir en énergie. Ça marche, ce n'est pas un quelconque rêve de scientifique!», s'enthousiasme Peter Pascali.

Depuis une quinzaine d'années, l'entreprise, située à deux pas du canal de Lachine à Montréal, a fait de la fabrication des torches de plasma sa spécialité.

Le procédé plasma, qui consiste à gazéifier des déchets en les chauffant avec un arc électrique entre 1500 et 3000 degrés Celsius, n'est pas nouveau. Mais, raconte M. Pascali, cette méthode reconnue pour son efficacité dans la destruction des déchets a été souvent écartée car très chère et énergivore.

«Finalement, nous avons trouvé la solution du casse-tête, se réjouit-il. En utilisant le plasma au bon moment, soit une fois que les déchets sont réduits en charpie, cette technologie devient très économique.»

Sur mer et sur terre

PyroGenesis a réussi à renverser la vapeur en intégrant le plasma dans un système naval de traitement des déchets, d'abord destiné aux navires de l'US Navy avec laquelle l'entreprise collabore depuis 1999.

Le système naval convertit des déchets (huiles usées, déchets contaminés, nourriture, etc.) en gaz synthétique. Seuls les déchets non organiques deviendront des cendres, non nocives pour l'environnement, qui sont ensuite jetées dans la mer, précise Gillian Holcroft, chef des opérations.

Pouvant traiter cinq tonnes de déchets par jour, le modèle naval coûte entre 1,5 et 4 millions. Certes plus cher qu'un incinérateur classique, admet Mme Holcroft, il est deux fois plus léger et prend cinq fois moins d'espace. Et surtout, il fonctionne uniquement à l'électricité.

«C'est l'une des raisons pour laquelle la marine américaine veut mettre ce système sur son prochain porte-avion attendu pour 2015, dit-elle. Ils devraient en faire l'achat à la fin 2007 ou en janvier 2008.»

Même si l'entreprise équipe aussi le Carnival Fantasy, l'un des plus gros bateaux de croisière de Carnival Cruise Lines, elle vise désormais les pétroliers et les plateformes pétrolières.

Autre marché en vue pour PyroGenesis, le traitement terrestre des déchets industriels dangereux, des déchets hospitaliers et pharmaceutiques. L'entreprise compte y commercialiser un système capable de transformer quotidiennement entre 25 et 100 tonnes de déchets de toutes sortes, en sources d'énergie.

«Le gaz de synthèse issu des matières organiques est combiné à des moteurs à gaz pour produire de l'électricité, ou encore à des chaudières pour produire de la vapeur, explique l'ingénieur en chef Pierre Carabin. La matière inorganique, elle, se combine au vitrifiat (roche vitreuse) qui peut être utilisé comme matériau de construction.»

L'électricité générée peut servir à réalimenter le système, indique Pierre Carabin, et le surplus être revendu à la compagnie d'électricité locale.

Des pourparlers avec des entreprises nord-américaines et surtout européennes sont déjà bien amorcés. Côté canadien, l'entreprise a pressenti entre autres les centres hospitaliers universitaires de l'Université de Montréal et McGill pour le projet du CHUM. Et un premier gros contrat serait sur le point d'être signé en Europe, mais la direction n'en dit pas plus.

Du marché municipal au résidentiel

À long terme, PyroGenesis ne s'en cache pas, elle veut devenir une référence dans le traitement des déchets municipaux.

«Sur le marché municipal, l'utilisation de notre système à grande échelle, permettrait de rencontrer 30 % des objectifs de Kyoto, juste en réduisant les émissions de gaz à effet de serre(GES)», assure Gillian Holcroft.

Des réductions de GES qui seraient de l'ordre de trois tonnes d'équivalent CO2 par tonne de déchets traités, selon l'entreprise.

«Ce système pourrait traiter les déchets d'environ 14 000 maisons et réduire leurs factures d'électricité d'environ 20 % grâce à l'électricité générée», dit-elle.

Peter Pascali veut rendre son modèle terrestre de plus en plus petit pour qu'il puisse servir les complexes hôteliers. «Des complexes aux immeubles résidentiels, il n'y a qu'un pas. Éventuellement, si ça devient suffisamment petit, on pourra envisager de le placer dans les maisons.» Son rêve n'est peut-être pas si lointain...