Le nouveau gouvernement Charest va de l'avant avec sa promesse électorale de baisser de 700 M$ additionnels les impôts des particuliers, une décision qui risque de lui coûter sa survie et de replonger la province en campagne électorale.

Le nouveau gouvernement Charest va de l'avant avec sa promesse électorale de baisser de 700 M$ additionnels les impôts des particuliers, une décision qui risque de lui coûter sa survie et de replonger la province en campagne électorale.

L'Action démocratique, qui soutient que l'État devrait concentrer ses énergies sur la réduction de la dette, a en effet déjà indiqué qu'elle voterait contre le budget présenté jeudi à Québec.

Le Parti québécois veut prendre le temps d'étudier les documents budgétaires avant de se prononcer, mais soutient que le gouvernement vit au dessus de ses moyens.

«On ne peut pas se payer des baisses d'impôt», a martelé le critique péquiste François Legault, faisant valoir le gonflement des dépenses en santé, le besoin d'investissements dans l'éducation et l'augmentation constante de la dette en chiffres absolus.

«Je vois difficilement comment on pourrait voter pour des baisses d'impôt de 700 M$», a laissé échapper M. Legault. Mais il a convenu de la répugnance prévisible des Québécois à de nouvelles élections. «C'est sûrement une considération dont il faudra tenir compte.»

Le Parti québécois se donne «quelques heures ou quelques jours» pour prendre une décision, le sort du gouvernement reposant désormais entre ses mains.

Tel que promis par le premier ministre Charest durant la dernière campagne électorale, Québec utilise les récents transferts fédéraux pour augmenter substantiellement ses réductions d'impôt : 700 M$ d'allégements s'ajoutent ainsi aux 250 M$ du budget Audet, déposé en février et mort au feuilleton.

En tout, pour une personne vivant seule, la décision de Québec équivaut à une réduction d'impôt maximale de près de 1000 $ par année. Pour un couple ayant deux enfants et disposant de deux revenus, l'allégement atteint au mieux près de 2000 $.

Les allégements passent par un relèvement de près de 30 % de chacun des trois seuils d'imposition : désormais, le taux d'impôt minimal de 16 % s'appliquera à tout revenu n'excédant pas 37 500 $, comparativement à 29 290 $ actuellement.

Le taux maximal de 24 %, qui entrait en vigueur à partir de 58 595 $, ne concernera plus que les Québécois gagnant plus de 75 000 $.

«On parle d'économies d'impôt significatives», indique le fiscaliste Benoît Martinet, de la firme Ernst&Young. Ce sont les citoyens nantis qui sont les grands gagnants de ce budget, puisqu'ils économiseront les montants les plus importants, fait-il remarquer.

La ministre Jérôme-Forget s'est défendue d'avoir préparé un «budget pour les riches» en faisant valoir que les familles avaient été favorisées ces dernières années et qu'il importe d'attirer des immigrants intéressants au Québec.

La santé toujours plus vorace

Le gros des transferts du dernier budget Flaherty sera toutefois investi en santé et en éducation : des 2,2 G$ que Québec recevra cette année d'Ottawa, les deux tiers iront à ces postes et le tiers aux baisses d'impôt des particuliers.

La santé et l'éducation raflent d'ailleurs la quasi-totalité de la croissance des dépenses, qui s'établit à 3,9 %. Le budget de la santé augmente de près de 1,4 G$, soit 6 %, tandis que celui de l'Éducation voit son portefeuille bonifié de 5% ou 644 M$.

L'enveloppe des autres portefeuilles reste pratiquement inchangée.

Inquiet du gonflement des dépenses de santé, Québec a profité du budget pour annoncer la formation d'un groupe de travail sur le financement de ce secteur, qui sera présidé par le père du régime public actuel, Claude Castonguay. Le groupe devra notamment «préciser le rôle que peut jouer le secteur privé pour améliorer l'accès aux soins».

Québec serre par ailleurs la vis en matière de finances publiques : la ministre Jérôme-Forget annonce une réduction de 10 % de la taille de l'État et l'adoption progressive des normes comptables canadiennes, qui devraient empêcher à l'avenir de camoufler les déficits.

Le gouvernement s'est entendu avec le vérificateur général Renaud Lachance pour réformer la comptabilité gouvernementale en fonction des nouvelles normes canadiennes. L'automne dernier, M. Lachance avait déclaré que le budget québécois, officiellement équilibré, cachait en fait un déficit accumulé de 5,3 G$, fruit d'une douteuse créativité comptable.

Dans son discours du budget, Mme Jérôme-Forget s'est engagée à «ajuster» la comptabilité de l'État aux nouvelles normes de l'Institut canadien des comptables agréés, même si ce changement ne s'applique pas au présent budget, qui est de nouveau déclaré «équilibré».

Les commissions scolaires, cégeps et hôpitaux entreront dans le périmètre comptable de Québec, promet notamment la ministre. Le mandat du vérificateur pour son prochain rapport sera aussi .élargi à la Société des alcools du Québec et à la Société générale de financement. L'année suivante, trois sociétés d'État de plus tomberont dans la mire du vérificateur, dont l'Agence métropolitaine de transport.

«Dès le prochain budget et peut-être même dès l'automne 2007, selon l'avancement des travaux, des ajustements aux conventions comptables entreront en vigueur», indique Monique Jérôme-Forget.

Québec dit par ailleurs garder le cap sur la réduction de la taille de l'État. Sur trois ans, le gouvernement veut alléger la fonction publique de 3800 postes, soit de 10%, notamment en privatisant cinq organismes peu connus, dont le Centre de gestion de l'équipement roulant et le Centre de signalisation. Le gouvernement annonce aussi la vente d'une poignée d'immeubles.

«Exercer le métier de garagiste ou de concepteur de panneau routier ne nous paraît pas faire partie des missions essentielles de l'État», explique la ministre des Finances.

Outre les baisses d'impôt, l'opposition officielle adéquiste a dénoncé ce qu'elle considère comme un resserrement généralement trop timide des finances publiques.

«On ne fait qu'annoncer qu'on réglera ça au prochain budget», s'est indigné le porte-parole adéquiste Gilles Taillon au sujet de la réforme de la comptabilité. L'ADQ avait fait de cette réforme une condition d'appui du budget. «Ce n'est que du pelletage en avant», tonne M. Taillon. L'opposition officielle aurait aussi souhaité une «réingéniérie» plus agressive de l'État.