Quand Hollywood se penche sur le réchauffement climatique, New York devient le pôle Nord en trois jours, un méga-ouragan transforme la Floride en Atlantide et Angelina Jolie triche Brad Pitt avec un beau beach boy esquimau bronzé sur les plages tropicales de l'Alaska.

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Dans la vraie vie, on a des questions plus terre à terre et plus proches du portefeuille comme: quel sera l'impact sur le marché des maisons secondaires aux alentours de Montréal si un 6 janvier à 16 °C est un avant-goût du réchauffement climatique ?

La question est loin d'être de la fiction pour les agents d'immeubles dans la région du mont Orford, de Bromont et plus loin dans l'Estrie, qui louent et vendent des chalets quatre-saisons aux villégiateurs de la région de Montréal.

" Ça refroidit énormément les acheteurs de résidences secondaires, dit Serge Roy, agent immobilier du Groupe Sutton de l'Estrie. Les acheteurs visitent, ils voient qu'il n'y a pas de neige et ils s'interrogent sur le réchauffement climatique. Ils me le disent et c'est très spécifique. " M. Roy souligne qu'il faut distinguer le court terme du long terme, faire des nuances et ne pas accorder d'importance démesurée à ce qui est une tendance climatique encore floue.

Un marché de location " pourri ! "

Il rappelle que plusieurs facteurs négatifs indépendants du climat avaient déjà mis la table pour une mauvaise saison de location et un contexte négatif pour la vente, dans la région de Magog.

" La controverse sur la privatisation du mont Orford et l'incertitude quand à l'ouverture de la station de ski ont fait hésiter beaucoup de gens qui auraient loué et peut-être acheté un chalet cet automne." Mais l'absence de neige est ce qui achève la saison, dit-il.

Le résultat à court terme indéniable du Noël brun et du Jour de l'An verglacé, dit-il, c'est que le marché de la location saisonnière 2006-2007 est " pourri ".

" Nous avons un gros bureau de location saisonnière, nous sommes actifs dans toutes les facettes de l'hébergement saisonnier, chalets, condos et hôtels. Il n'y a pas de neige, les gens annulent en masse. Et on accepte, on ne laisse pas tomber les gens. Regardez dehors, c'est novembre. "

" Bon an, mal an, c'est environ 1200 chalets et condos qui se retrouvent sur le marché locatif à chaque hiver aux alentours du mont Orford ", dit M. Roy. À Bromont, à 15 minutes de voiture, c'est un millier d'autres propriétés, ajoute-t-il. De nombreux propriétaires sont privés du revenu d'appoint que leur procure normalement la location d'hiver, qui vaut environ de 5000 $ à 6000 $ pour la saison, 2000 $ par mois et 1000 $ par semaine.

Les affaires de M. Roy en souffrent : " C'est vraiment pas drôle, ça nous affecte énormément. Mais pas seulement moi, c'est toute l'économie de la région qui en souffre. Tous les skieurs alpins, les fondeurs et les motoneigistes qui dynamisent le secteur des services et de la restauration du coin ne sont tout simplement pas là.

" Le jour de l'An, ils ont fermé la piste de ski alpin à cause du verglas. Il fait 9 degrés (hier matin), ils annoncent 10 à Montréal (ce matin)... "

Pour ce qui est du long terme et du marché de la revente de maisons secondaires, ça reste à voir : " Même pour l'acheteur, l'absence de neige est un facteur très important. Il y a beaucoup de visites, mais il n'y a pratiquement pas d'acheteurs en ce moment. Les acheteurs attendent ou se couvrent en posant des conditions très exigeantes, que les vendeurs finissent par rejeter. Alors la vente ne se fait pas. "

Un novembre qui dure cinq mois ?

Une grosse bordée de neige pourrait changer tout cela, mais M. Roy croit que le réchauffement climatique est un enjeu qui est là pour durer dans le marché immobilier de la région. Si le climat change autant durant les 10 prochaines années que durant les 10 dernières, M. Roy croit que sa région va devoir faire des ajustements et des réinvestissements pour s'adapter aux nouveaux hivers parisiens, s'ils deviennent la norme. Autrement, les prix vont baisser.

M. Roy dit que l'acheteur d'une propriété secondaire est une créature différente de l'acheteur qui magazine une résidence principale.

Comme ce dernier, il articule son raisonnement d'investisseur à long terme, sur 10, 15 ou 20 ans, mais puisqu'il n'est pas obligé d'acheter pour se loger demain matin, il est très sensible à tout ce qui se passe aujourd'hui. " Bien sûr que l'acheteur projette la valeur dans l'avenir, mais en même temps, plusieurs s'attendent à un rendement très rapide sous l'angle des revenus de location. "

Certains achètent en calculant qu'ils vont se garder l'été et louer aux skieurs durant l'hiver. Une fois budgétés les paiements d'hypothèques, ils comptent sur un revenu issu de la location d'hiver qui paie les frais et, ce à court terme, un an ou deux après l'acquisition : " Ce genre d'acheteur s'attend à un rendement très rapide ", dit M. Roy.

Contrairement à d'autres agents interrogés par La Presse cette semaine, M. Roy ne fait pas que de la vente. Il a le doigt sur le pouls du marché à court terme, ayant développé le créneau de la location saisonnière. Ce sont deux marchés qui se nourrissent l'un l'autre, de la façon suivante : " D'abord, le villégiateur ne devient pas acheteur du jour au lendemain. Typiquement, il s'initie à une région par de courts séjours à l'hôtel, puis il loue une propriété pour un été ou un hiver, puis, finit par acheter. " Souvent, un acheteur " essaie " son chalet en le louant dans le but éventuel de faire une offre. Ces acheteurs-là seront-ils au rendez-vous ? M. Roy se pose la question.

Sylvain Pineault, agent chez Immobilier Estrie, à Magog, croit lui aussi que le réchauffement climatique est une tendance lourde, mais il n'en tire pas les mêmes conclusions que M. Roy. " Les clients nous disent qu'on a déjà vu des hivers doux. Je ne crois pas que ça les inquiète. La région a bien plus que l'hiver à offrir et notre solde démographique est positif. Si la neige s'en va, d'autres facteurs récréo-touristiques positifs vont émerger. La saison de golf va s'étirer et les gens vont s'adapter. "

Stéphane Faucher Immobilier Estrie, abonde dans le même sens : " L'absence de neige n'est pas un gros problème. On va se reparler l'an prochain à la même date et on va avoir la tuque sur la tête et les bottes aux pieds. Et ça va être une toute autre histoire. Moi, ce que je crains beaucoup plus pour le marché local, c'est la prolifération des algues bleues dans les lacs. Pas l'absence de neige. "