Benoit Laliberté était une jeune entrepreneur naïf et «généreux» et sa compagnie, Jitec, était «solide, bien financée» et promise à un avenir doré.

Benoit Laliberté était une jeune entrepreneur naïf et «généreux» et sa compagnie, Jitec, était «solide, bien financée» et promise à un avenir doré.

Et ce, jusqu'à ce qu'elle soit «écrasée» par les machinations machiavéliques du financier montréalais Herbert Black, frustré de s'être fait refuser la vente à rabais par M. Laliberté d'un million d'actions de Jitec.

Voilà ce qu'a affirmé mercredi lors de son procès pénal Benoit Laliberté, le fondateur de Jitec, une firme de haute technologie qui a fermé en 2001 après un scandale boursier où l'action a bondi de 1,25$ à 11,65$ avant de dégonfler à zéro.

Quant aux investisseurs de Drummondville qui ont témoigné s'être fait promettre mer et monde par M. Laliberté en septembre 2000, ils faisaient partie d'une cinquantaine de «requins» cupides aveuglés par «des rumeurs de contrats» et alléchés par l'espoir d'obtenir de lui une information privilégiée «pour investir et faire un Klondike«, a dit l'accusé.

D'ailleurs, ces boursicoteurs réunis à son insu comme pour «une soirée Tupperware», raisonnaient comme «des enfants» et un seul d'entre eux «avait un minimum de gros bons sens».

M. Laliberté, qui est accusé de 48 infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, a pris place dans le box des témoins mercredi, pour sa défense, et a livré un témoignage assuré durant lequel il a nié catégoriquement la totalité des infractions portées contre lui.

M. Laliberté est notamment accusé d'avoir fait des déclarations fausses et trompeuses dans des communiqués annonçant des transactions valant 150 millions de dollars avec deux petites firmes aujourd'hui disparues.

S'exprimant toute la journée avec emphase et une surabondance de détails, M. Laliberté a aussi blâmé son ancien avocat pour avoir envoyé en retard ses déclarations de transactions d'initié; son conseil d'administration pour l'avoir forcé à prendre des vacances; des courtiers en valeurs mobilières pour avoir trop recommandé Jitec.

Il en a profité pour écorcher au passage l'ancienne Commission des valeurs immobilières (remplacée depuis par l'Autorité des marchés financiers), qu'il a décrite comme dupe et incapable de freiner les desseins du millionnaire montréalais Herbert Black.

Selon M. Laliberté, Jitec a été «attaquée» par une campagne orchestrée par «trois ou quatre» personnes, dont M. Black et Yves Beaudoin (le frère du courtier Marc Beaudoin), qui ont «vendu à découvert» l'action de Jitec; vendre à découvert est une opération boursière risquée mais potentiellement payante, qui consiste à miser sur la baisse du titre.

Selon M. Laliberté, une cabale de rumeurs négatives s'est organisée à l'été 2000 contre Jitec, ourdie par des spéculateurs ayant vendu à découvert des actions de la firme, et exposés à de lourdes pertes si Jitec continuait sur sa lancée en Bourse.

«J'ai déjeûné le 28 septembre chez Herbert Black, dans sa maison de Westmount, et il m'a dit: Ton action s'en va down the drain, parce que je m'occupe qu'elle s'en aille down the drain», a raconté M. Laliberté.

Il a ajouté que M. Black a fait pression en haut lieu pour qu'une entente ferme entre Jitec et Canada Payphone, de Vancouver, ne se traduise pas en contrat formel.

Le lendemain «Black m'a demandé de lui vendre un million d'actions de Jitec à 4,50$ l'action (...) alors qu'elle était à 6,50$», a dit M. Laliberté.

Quand il a refusé, a témoigné mercredi M. Laliberté, M. Black aurait répondu: «Tu vas le regretter, je m'en vais à la CVMQ».

Selon M. Laliberté, M. Black a aussi coulé des informations négatives sur Jitec dans les médias.

M. Black n'a pas été appelé comme témoin. Il a déjà nié les accusations de M. Laliberté, mais ne se cache pas d'avoir vendu à découvert l'action de Jitec, parce qu'il avait des doutes sur les annonces faites par la firme.

L'ex-président de Canada Payphone, Bruce Clark, a dit dans son témoignage récent qu'il avait été «furieux» en août 2000, en lisant le communiqué de presse de Jitec annonçant comme une «transaction» de 105 millions ce qui était une simple entente de principe.

Le procès se poursuit ce matin (jeudi) avec le contre-interrogatoire de M. Laliberté.