Née à Jonquière et élevée aux quatre coins du monde, Clara Furse se bat avec acharnement pour défendre l'indépendance de la Bourse de Londres, qu'elle dirige depuis 2001.

Née à Jonquière et élevée aux quatre coins du monde, Clara Furse se bat avec acharnement pour défendre l'indépendance de la Bourse de Londres, qu'elle dirige depuis 2001.

Clara Furse a plus d'un surnom dans le milieu tricoté serré de la finance londonienne. Certains appellent la directrice de la Bourse de Londres la «reine de la City».

D'autres, plus grinçants, la surnomme la «reine Boadicea».

Le nom vient d'une monarque britannique qui a mené une révolte contre le régime romain, 61 ans avant notre ère.

La raison? Comme Boadicea, Clara Furse n'a pas la réputation de faire dans la dentelle, ni de se laisser marcher sur les pieds. Après tout, on ne devient pas la première femme à prendre la tête d'une institution vieille de plus de 200 ans en se montrant fleur bleue.

Mission accomplie

Après des débuts difficiles à son arrivée à la tête du London Stock Exchange (LSE) en 2001, Clara Furse a réussi à gagner le respect du milieu de la finance londonien.

«Elle est très estimée», assure avec conviction David Bennet, directeur général de l'Apcims (l'Association des gestionnaires et des courtiers pour les particuliers).

«Beaucoup de gens s'attendaient à ce que la Bourse de Londres soit rachetée, poursuit-il. Elle a réussi à repousser ou à décourager toutes les tentatives de prise de contrôle. Cela doit être vu comme une réussite.»

Respectée, Clara Furse est également crainte. «Elle a une personnalité très forte. Elle est, à mon avis, une personne plutôt distante. Essayer de lui parler est quelque chose de très difficile, précise Keith Loudon, partenaire principal à la firme de courtage Redmayne-Bentley. Mais elle a fait du bon travail si on regarde le prix des actions à ses débuts et ce qu'ils sont maintenant.»

Avec détermination, la blonde aux tailleurs chic est en effet parvenue à repousser les avances de la banque Macquarie, de la Deutsche Börse, d'Euronext et du NASDAQ pour maintenir l'indépendance de la Bourse de Londres.

Le NASDAQ, qui avait tenté sans succès de racheter la Bourse de Londres plus tôt cette année, a jeté l'éponge pour de bon le 20 septembre dernier en vendant les parts qu'il détenait dans le LSE (28%) à la Bourse de Dubaï.

Le même jour, l'Autorité d'investissement du Qatar (AIQ) a acquis 20% des parts du LSE. Aujourd'hui, la Bourse de Londres est donc à moitié détenue par des investisseurs du Moyen-Orient, mais reste une institution indépendante.

«Il semble que cela soit seulement des investissements passifs, précise Bruce Weber, de la London Business School. Ils veulent faire partie de la croissance de la Bourse de Londres.»

De Jonquière à Londres

Clara Furse -Hedwig Frances Siemens de son nom de jeune fille- est née à Jonquière en 1957.

Son père, néerlandais comme sa mère, travaillait pour Alcan. Sa famille a ensuite déménagé en Colombie, puis aux Pays-Bas, avant de s'installer en Angleterre.

Clara Furse a fait ses études à la London School of Economics. Mariée à l'entrepreneur Richard Furse, elle a passé l'essentiel de sa vie professionnelle dans la City.

Après avoir gravi les échelons à l'Union des banques suisses, elle a occupé le poste de directrice générale au Crédit lyonnais Rouse de 1998 à 2000. Elle y a acquis la réputation d'une femme d'affaires impitoyable en mettant à pied 30% du personnel sous ses ordres.

En février 2001, elle est nommée à la tête du LSE, mais sa lune de miel est de courte durée. Son incapacité à concrétiser une entente avec Liffe (le marché à terme et des options de Londres, qui préféra s'allier à Euronext), lui vaut une volée de critiques.

Dans un contexte où les Bourses tendent à se racheter les unes les autres pour consolider leurs assises, la Bourse de Londres paraît alors dans une situation précaire. Elle devient davantage une proie qu'un prédateur.

En 2003, les choses ne s'améliorent pas pour Clara Furse. Un petit groupe de courtiers fait circuler des rumeurs sur sa vie privée qui aboutissent jusque dans la presse nationale.

Mais la mère de trois enfants ne se laisse pas abattre. Elle poursuit la modernisation de la Bourse de Londres et la restructure de fond en comble.

Mieux, elle fait taire ses critiques en repoussant les unes après les autres les offres de rachat de la Bourse de Londres qu'elle juge en deçà de la valeur du LSE.

L'augmentation croissante de la valeur du LSE prouve qu'elle avait raison, souligne Bruce Weber. Depuis son arrivée en 2001, la valeur de l'action du LSE a effectivement plus que quadruplé, passant de 3,48 livres (7,65$CAN) à 16,5 livres (36,3$CAN) au début du mois d'octobre.

En juin dernier, le LSE a signé une entente avec la Borsa Italiana de Milan largement applaudie par les courtiers de Londres.

«L'entente avec la Borsa Italiana apparaît au bon moment, et c'est une approche qui a été bien menée», soutient David Bennet, de l'Apcism.

Six ans après son arrivée à la tête de la Bourse de Londres, les compliments pleuvent donc désormais sur Clara Furse.

«La Bourse de Londres est mieux gérée, elle fonctionne d'une manière plus réaliste, assure Keith Loudon, de la firme Redmayne-Bentley. Honnêtement, je pense que Clara Furse a fait un travail fantastique.»

UN CV BIEN GARNI

1957: naissance à Jonquière, au Québec.

1976-1979: études à la London School of Economics.

1983-1998: elle gravit les échelons chez UBS, pour devenir directrice générale d'UBS à Londres, chargée des produits dérivés.

1990-1999: membre du conseil d'administration du marché à terme et des options de Londres (Liffe).

1998-2000: directrice générale du Crédit lyonnais Rouse (produits dérivés) à Londres.

2001-2007: directrice générale de la Bourse de Londres. En 2007, son salaire s'élève à 1,1 million de dollars, auquel il faut ajouter une prime de 1,98 million.

Langues parlées: anglais, français, néerlandais, allemand et espagnol.