La récente grève de GM aux États-Unis a ravivé bien des inquiétudes de ce côté-ci de la frontière.

La récente grève de GM aux États-Unis a ravivé bien des inquiétudes de ce côté-ci de la frontière.

Il y a bien eu des mises à pied temporaires en Ontario. Mais il y a plus: on craint que la convention collective de GM dans ses usines américaines, sensée comprimer les coûts de main-d'oeuvre et servir de modèle dans l'industrie, ne vienne miner l'avantage concurrentiel des usines des «Trois Grands» en Ontario.

Déjà que ces usines subissaient l'appréciation du dollar canadien. Voilà que leur avantage habituel pour le coût des bénéfices marginaux, en santé surtout, risquent de s'amoindrir considérablement du point de vue des patrons américains de l'auto .

«Cette nouvelle convention de GM aux États-Unis risque d'accentuer l'atrophie des activités manufacturières de GM, de Ford et de Chrysler en Ontario», avance Dennis DesRosiers, analyste torontois réputé de l'industrie.

Mais chez le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA), qui représente 37 500 salariés chez GM, Ford et Chrysler, on croit peu à cette menace.

«Certes, la hausse du dollar est un problème pour toute notre industrie. Mais dans les usines d'assemblage, notre avantage concurrentiel des coûts de soins de santé demeure important. Et les travailleurs canadiens de l'automobile sont plus productifs que leur vis-à-vis américains», selon Buzz Hargrove, président des TCA.

Qui a tort, qui a raison?

La réponse se précisera dès l'an prochain, lors de la prochaine négociation des TCA avec GM, imitée ensuite par Ford et Chrysler.

D'autant qu'elle aura lieu alors que ces «Trois Grands» peinent plus que jamais avec le déclin de leurs parts de marché.

Au vaste complexe de GM à Oshawa, par exemple, l'arrêt prochain d'un autre quart de travail sur l'une des trois chaînes d'assemblage enverra 1200 salariés au chômage.

Un nombre équivalent de salariés seront affectés chez des fournisseurs de pièces et composantes de la région.

Cette portion moins connue de l'industrie automobile représente tout de même 80 000 emplois directs en Ontario.

Et elle est mise à mal depuis deux ans par l'appréciation du dollar, de même que la concurrence accrue de pays à faibles coûts de main- d'oeuvre, comme la Chine.

Malgré tout, des indices positifs persistent dans l'industrie automobile en Ontario. Même parmi les «Trois Grands», en dépit de la rationalisation de leurs effectifs depuis des années.

GM, Ford et Chrysler achèvent chacune des modernisations de plusieurs centaines de millions de dollars dans leurs principales usines ontariennes.

Des investissements assistés, il faut dire, par une panoplie de subventions d'un demi-milliard de dollars provenant du gouvernement de l'Ontario et le fédéral.

Ces modernisations préparent la venue de nouveaux véhicules que tous espèrent plus concurrentiels sur le marché que leurs prédécesseurs.

Les Japonais

Les deux gros fabricants d'origine japonaise qui ont des usines en Ontario, Honda et Toyota, accroissent aussi leurs activités.

Mais à la différence des «Trois Grands», leurs usines existantes tournent encore à plein régime pour répondre à la demande, avec une main-d'oeuvre non-syndiquée, plus jeune et triée sur le volet.

Dans la petite localité d'Alliston, au nord de Toronto, Honda inaugurera bientôt une usine de moteurs de 155 millions, voisine de ses deux chaînes d'assemblage. Cette expansion créera 340 emplois directs.

Pour sa part, Toyota achève la construction d'une deuxième usine d'assemblage en Ontario, à quelques dizaines de kilomètres de sa première usine de Cambridge, juste à l'ouest de Toronto. Il s'agit d'un investissement d'un milliard, qui créera 2000 emplois directs.

Cette expansion de Toyota a aussi convaincu de nombreux fournisseurs de pièces, dont plusieurs japonais, à s'implanter ou à grossir leurs activités dans les environs.

Avec cet essor de Toyota et Honda, la région de Kitchener et de Cambridge connaît un boom économique.

Déjà qu'elle jouissait d'un essor technologique, inspiré par le succès de Research In Motion (RIM) et ses BlackBerry.

Le taux de chômage régional, à 5,6%, est l'un des plus bas en Ontario. Inférieur même de 140 points de base à celui du Grand Toronto (7%).

C'est tout le contraire de Windsor, la ville traditionnelle de l'automobile avec GM, Ford, et Chrysler, qui déprime à vue d'oeil.

Le taux de chômage à Windsor frôle les 10%.

En fait, en comparant ces deux villes de l'auto que sont Windsor et Kitchener, on a tout le symbole de l'industrie automobile en Ontario. Une industrie qui roule à deux vitesses.