Pé-Ré-Qua-Tion.

Pé-Ré-Qua-Tion.

À la seule lecture de ce mot, bien des lecteurs passent à autre chose. Il s'agit pourtant d'un mécanisme ingénieux dont le Canada s'est doté pour s'assurer que les citoyens de toutes les provinces aient droit à une brochette de services équivalents, sans pour autant que les gouvernements de leurs provinces doivent augmenter leur fardeau fiscal.

On le devine bien, la capacité fiscale des provinces n'est pas égale. La richissime Alberta peut se passer d'une taxe de vente et ne pas avoir de dettes, grâce à ses redevances pétrolières et gazières. À l'opposé, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard ne peut pas compter sur beaucoup de richesses naturelles ni sur une grande valeur foncière pour assurer à ses résidants des services de santé, d'éducation de transport ou de justice comparables à ceux de l'Alberta, voire de l'Ontario.

L'objectif de la péréquation consiste à aplanir les écarts de capacité fiscale des provinces.

Voilà pourquoi Ottawa redistribue sans condition aux provinces les plus démunies une fraction de ses propres recettes fiscales perçues d'un océan à l'autre. Bref, les gouvernements de ces provinces reçoivent une partie des impôts que leurs citoyens payent à Ottawa. Contrairement à une idée reçue, la péréquation n'est donc pas la redistribution d'une portion des recettes fiscales des provinces riches.

«La péréquation est dans l'intérêt des provinces qui n'en touchent pas parce qu'elle leur donne davantage d'autonomie pour établir des mesures sociales plus conformes aux besoins de leur population», écrivent Ken Boessenkool et Evan Wilson dans une récente publication du Canada West Foundation, un organisme albertain de recherches économiques.

La péréquation prend pour norme la capacité fiscale de l'Ontario. Les provinces qui en ont une moins grande en touchent.

Cette année, le gouvernement fédéral verse un peu plus de 11 milliards en paiements de péréquation à huit provinces. Cela équivaut à moins de 5% de ses recettes.

Dans son budget de mai dernier, le ministre des Finances Michel Audet avait prévu des transferts fédéraux de 5,35 milliards au chapitre de la péréquation sur des revenus totaux de 57,9 milliards. Par habitant, cela équivaut à 710$.

Mardi, M. Audet annonçait avoir reçu finalement 185 millions de plus que ce à quoi il s'attendait. Le Québec reçoit près de la moitié des paiements fédéraux de péréquation. Des huit provinces bénéficiaires, seule la Colombie-Britannique touche moins par habitant. L'an prochain, la capacité fiscale de la province pacifique en plein boom économique sera telle qu'elle ne sera plus admissible à des paiements de péréquation.

Tandis que M. Audet annonçait un déficit zéro pour l'année qui s'achève, son homologue de l'Ouest annonçait à Victoria un surplus de 2,8 milliards. Sans péréquation, il prévoit boucler la prochaine année avec un surplus de 400 millions.

À l'opposé, l'Île-du-Prince-Édouard reçoit 2030$ par habitant.

En vertu des réformes récentes de la péréquation, les provinces ont bien du mal à prévoir ce qu'elles sont en voie de toucher au chapitre de la péréquation. Ainsi, le Québec a eu droit à 4,1 milliards seulement en 2003-2004, mais au cours du prochain exercice, il pourra recevoir 6,5 milliards, si la formule actuelle était maintenue tel quel.

Ottawa a reconnu qu'elle devait être amendée, sans dire comment. Au mois de mai, le Groupe d'experts sur la péréquation remettait son rapport. Il propose une réforme susceptible de rallier une majorité de provinces et d'experts en matière de finances publiques.

Droits de péréquation annoncés pour 2006-2007T-N-L / Î-P-E / N-É / N-B / Québec / Ontario / Manitoba / Saskatchewan / Alberta / C-B

Droits totaux (millions $): 687 / 280 / 1379 / 1432 / 5354 / 0 / 1690 / 0 / 0 / 459

Droits par habitant (en dollars): 1328 / 2030 / 1472 / 1905 / 710 / 0 / 1446 / 0 / 0 / 109

Source: Groupe d'experts sur la péréquation