L'adaptation au changement est une compétence très recherchée par les firmes de recrutement de cadres de grandes entreprises.

L'adaptation au changement est une compétence très recherchée par les firmes de recrutement de cadres de grandes entreprises.

Et pour cause. Bon an mal an, ces dernières apportent, en simultané, de trois à quatre changements à leur organisation.

L'an dernier, des castors ont remplacé le célèbre Monsieur B. dans les publicités de Bell Canada.

Bertrand et son compère vantent maintenant l'adhésion à l'ensemble des services de Bell, de la téléphonie classique jusqu'à la diffusion, en première sur un portable, des blagues des Têtes à claques.

Ce changement est l'une des manifestations de la restructuration enclenchée par BCE depuis la déréglementation des télécommunications canadiennes, au début des années 1990.

«Depuis 1993, BCE a connu trois phases de transformation qui ont touché, souvent en même temps, la structure de son capital, la gestion, les processus de production et le niveau des effectifs», explique Linda Rouleau, professeure au département de management de HEC Montréal.

L'universitaire a étudié ces transformations dans le cadre de travaux de recherche sur les restructurations d'entreprises menés avec Patrice Jalette, de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal.

Entre 1993 et 1997, BCE a réduit de 10 000 personnes ses effectifs, tout en restructurant ses processus et ses finances.

Entre 1998 et 2002, elle a fait de nombreuses acquisitions, a créé de nouvelles filiales, comme ExpressVu et Sympatico, a eu recours à l'impartition et a introduit la facturation unique.

Depuis 2003, BCE s'est retirée de trois entreprises, a adopté «l'approche client» et l'intégration des services. Elle a de plus mis en place un programme de départ qui vise 5000 employés et aboli 4000 postes.

Les cadres et employés survivants devront bientôt faire face à d'autres changements, que le projet de fermeture de capital de l'entreprise se concrétise ou non...

«Les mises à pied et fermetures d'usines sont les manifestations les plus connues de la restructuration des entreprises. Ce sont loin d'être les seules. Elles prennent bien d'autres formes, souvent situées entre la rationalisation et la flexibilité», explique Patrice Jalette.

Changements variés au menu

Si vous voyez en librairie un livre portant le titre Restructurer une entreprise avec succès en 10 étapes faciles, méfiez-vous!

En analysant les données de l'Enquête sur les milieux de travail et les employés de Statistique Canada, les professeurs Rouleau et Jalette ont constaté que le changement, comme le malheur, n'arrive jamais seul.

Cette enquête est réalisée auprès de 8000 entreprises canadiennes. L'édition 1999 a révélé que les entreprises de 500 employés et plus avaient réalisé en moyenne 3,9 changements au cours d'une même année.

Les PME n'étaient pas en reste. Celles comptant de 100 à 499 employés en avaient connu trois; celles comptant de 20 à 99 employés, deux, et les plus petites, 1,1.

Parmi les 12 changements énumérés par les répondants, la conception flexible des tâches arrivait en tête, à 31,9 %, suivie de la mise en place d'équipes de résolution de problèmes, à 26,2 % et de la refonte des processus, à 19,1 %.

Par ailleurs, 18,7 % des établissements de l'enquête de 1999 ont fermé leurs portes l'année suivante. En 2003, les fermetures avaient grimpé à 24,6 %.

Comme le démontre le cas de BCE, ces multiples changements à l'intérieur de chaque organisation sont souvent suivis de changements dans la nature et la direction des changements...

Comme si ce n'était pas déjà assez compliqué, ces mouvements sont souvent dictés par des décisions et des événements qui surviennent à des milliers de kilomètres des lieux de travail.

Entre 2001 et 2006, au Canada, ces mutations de l'environnement externe ont notamment entraîné l'effondrement de secteurs entiers de l'économie, comme la foresterie et la fabrication.

Pendant la même période, l'emploi a par ailleurs grimpé en flèche dans les mines et la pétrole, la construction, les services immobiliers et l'enseignement.

«Les restructurations sont un phénomène complexe. Elles se déroulent bien sûr à l'échelle de chaque lieu de travail mais elles sont souvent le résultat de mutations dans l'environnement économique et politique de leur secteur à l'échelle internationale», insiste Linda Rouleau.

Que faire?

Ces constats ont été présentés lors d'un colloque organisé par le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail.

Le CRIMT, dirigé par Gregor Murray, de l'Université de Montréal, réunit une soixantaine de chercheurs d'universités québécoises, canadiennes et étrangères.

Du 24 au 26 mai, 300 universitaires, syndicalistes, fonctionnaires et acteurs du travail d'une quinzaine de pays ont échangé à Montréal autour d'une même question: «Quelles politiques du travail à l'ère de la mondialisation?» Les présentations de ses conférenciers seront en ligne le 22 juin à www.crimt.org/colloque_pp.html