Avant les élections, le gouvernement Charest était parvenu à limiter l'impact du dégel du prix des médicaments dans l'opinion publique. L'énorme appétit des compagnies pharmaceutiques va le rattraper cette semaine.

Avant les élections, le gouvernement Charest était parvenu à limiter l'impact du dégel du prix des médicaments dans l'opinion publique. L'énorme appétit des compagnies pharmaceutiques va le rattraper cette semaine.

À compter de vendredi, les pharmaciens du Québec devront utiliser une nouvelle liste de prix pour les médicaments admis au régime public d'assurance.

Pas moins de 1000 produits verront leur prix augmenter et, pour plus de 160 d'entre eux, la hausse sera de beaucoup supérieure aux 2,03% promis en février dernier par le ministre de la Santé, Philippe Couillard.

Conscient de la tempête à prévoir, le gouvernement a décidé, pour préparer le terrain, d'annoncer d'abord une bonne nouvelle pour ceux qui dépendent du régime public d'assurance.

La facture globale transmise aux assurés devait normalement augmenter de plus de 6% en raison du vieillissement de la population et du fait qu'il se prescrit de plus en plus de médicaments. Mais la semaine dernière, comme il le fait déjà depuis deux ou trois ans, Québec a décidé de limiter la hausse à l'inflation, autour de 2%, une décision qui devrait être annoncée en début de semaine.

La facture supplémentaire pour les médicaments devait, elle, être annoncée en douce vendredi, après la suspension des travaux de l'Assemblée nationale pour l'été.

Début février, en dévoilant sa Politique du médicament, le ministre Couillard avait prédit que Québec «permettrait sur une base très exceptionnelle une hausse supérieure» à l'indice des prix, dans les cas où le retrait d'un produit pourrait entraîner des conséquences sur la santé.

Or, ces cas «d'exception» ont représenté pas moins de 15% des demandes d'augmentation des pharmaceutiques, affamées après 14 années de gel des prix.

Au moment de l'annonce rassurante du ministre, en février, les représentants de l'industrie étaient restés bien prudents dans leurs commentaires quant aux hausses qu'ils réclameraient.

Parce qu'il s'agit de produits qui ne peuvent être remplacés par d'autres, le gouvernement ne demandera pas aux patients de payer la totalité du surplus exigé, au-delà de l'inflation.

Mais la facture se reflétera, inévitablement, sur les prix payés au comptoir parce que les patients du régime public doivent payer 25% de leurs médicaments tant que le maximum de 881$ par année n'est pas atteint. Ils doivent aussi payer une prime sur leur déclaration de revenus - un maximum de 538$ en 2006.

55$ de plus par mois

Des exemples concrets parmi les 160 produits dont l'augmentation sera bien supérieure à l'inflation: environ 1000 personnes atteintes du cancer recourent au Purinethol, une crème antinéoplasique produite par Novopharm.

Chez le grossiste, le prix pour 25 grammes passe de 45,85$ à 91,70$, une augmentation de 100%, soit 184$ pour les quatre pots nécessaires pendant un mois de traitement. Avec la structure du régime d'assurance médicament - la franchise et la coassurance - le patient devra dans ce cas débourser environ 55$ de plus par mois.

Plus répandue, la PMS-cholestyramine, pour absorber les sels biliaires, verra son prix augmenter de 105%, ce qui représentera une hausse de 6$ par mois pour le patient. Autre exemple, ceux qui doivent prendre du Ridaura, pour l'arthrite, devront payer 10$ de plus par mois: la firme Paladin a obtenu une augmentation de 42%.

On trouve aussi des produits à fort volume de prescription, comme la série d'antibiotiques Erythro d'Apotex, dont l'augmentation oscille entre 140% et 79% selon le produit. Un autre antibiotique, Erythromycin de Pro-Doc, augmente de 140%. Le PMS-sulfasalazine, un anti-inflamatoire de Pharmacience pour la colite ulcéreuse, double de prix.

Ruptures de stock artificielles

Avec les hausses autorisées par Québec, la pression que mettaient des pharmaceutiques sur le gouvernement devient parfois évidente.

La firme Taro avait exigé une hausse importante pour son Betaderm.

Devant le refus de Québec, ce produit est devenu introuvable au Québec alors qu'il se vendait toujours dans le reste du Canada.

À compter du 22 juin, son prix fera plus que tripler, passant de 7 à 27$. Toujours produit par Taro, le Hyderm augmente de 100%.

Cette révision des prix devait se faire le 1er juin, mais Québec l'a stratégiquement repoussée au 22 juin, trop tard pour soulever une tempête à l'Assemblée nationale, qui devrait ajourner la veille.

Ces hausses coûteront «moins de 20 millions» au Trésor public, selon Isabelle Merizzi, porte-parole du ministre Couillard. Mais la revue de la liste est un processus continu.

Une autre liste avec de nouveaux produits et des demandes de hausses de prix sera publiée en octobre prochain.

La revue de juin touche 160 produits «uniques», qui n'ont pas d'équivalent au Québec, pour lesquels les pharmaceutiques ont exigé des hausses de prix pouvant atteindre 178%.

Du même souffle, Québec retirera de la liste des médicaments admis 46 produits pour lesquels les firmes voulaient des augmentations supérieures à l'inflation, et pour lesquels des remplacement existent.