Après six semaines d'un procès pénal éprouvant, Vincent Lacroix se demande si des enjeux symboliques n'ont pas monopolisé une trop grande part de l'attention collective portée à l'affaire judiciaire.

Après six semaines d'un procès pénal éprouvant, Vincent Lacroix se demande si des enjeux symboliques n'ont pas monopolisé une trop grande part de l'attention collective portée à l'affaire judiciaire.

Lors d'une entrevue donnée à LaPresseAffaires.com moins d'une heure après l'ajournement des audiences jusqu'au 5 septembre, l'ancien PDG de Norbourg a affiché sa surprise quant à la tournure des événements.

À son avis, des sommes dépensées au bar de danseuses Chez Parée (29 000 $) et au Dancing Embassy en Suisse (47 000 $) ont peut-être fait oublier les vrais enjeux.

Il rappelle que les 51 chefs d'accusation qui pèsent contre lui à la Cour du Québec portent sur 115 M$ retirés dans les fonds des investisseurs, des retraits irréguliers et la production de faux documents.

Aussi, d'autres chiffres lui semblent plus imposants. «Norbourg, c'est un chiffre d'affaires de 25 à 30 M$ par année vers la fin de son existence, affirme M. Lacroix. Est-ce que Chez Parée et Dancing Embassy sont des montants significatifs comparativement à ceux dont nous avons discuté dans ce dossier ? Dans une vérification comptable, ce ne serait même pas examiné.»

Selon Vincent Lacroix, l'Autorité des marchés financiers et ses avocats disposent d'une puissante machine pour effectuer la poursuite. Une machine qui a pris le soin de s'attarder aux détails embarrassants afin d'alimenter les médias.

«C'est vraiment pour détruire mon image et non pour régler des choses dans le dossier, dit notre interlocuteur. Ce qui me surprend, c'est de voir à quel point le public y porte attention.»

M. Lacroix ne va pas jusqu'à blâmer les médias, pour lesquels il ne cache pas une dose de respect. «Ces histoires-là défoulent les gens. Je comprends que d'un point de vue médiatique, ça marche. Mais ça ne règle rien. Si 50 M$ avaient été dépensés chez Parée, ce serait autre chose.»

Afin de recentrer le débat, M. Lacroix revient sur ses allégations qu'il héritait d'un «trou comptable» de plus de 20 M$ dans les fonds Evolution. Il a fait l'acquisition de ces derniers en achetant Capital Teraxis de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

«Pourquoi ne pas parler de la transaction de la Caisse de dépôt ? Teraxis et Evolution, c'est un marché de 12,3 M$, C'est un enjeu important mais on en a parlé pour seulement une heure lors de l'interrogatoire. Dancing Embassy et Parée ne totalisent même pas 100 000 $ et on a passé beaucoup de temps là-dessus.»

Reconnaissant que le procès a un impact sur son entourage, M. Lacroix regrette aussi les propos tenus par d'anciens collaborateurs comme Pierre Therrien. Cet ingénieur financier affirmait vendredi que son salaire n'était pas toujours conforme à ceux de l'industrie et qu'il a perdu de l'argent placé chez Norbourg.

«Même si sa situation n'est pas drôle, il a reçu un million de dollars sur cinq ans, rappelle le PDG déchu. Je comprends que c'est plate pour tout le monde. Les détenteurs de parts ont perdu de l'argent, les représentants ont perdu leurs emplois et les employés ont été touchés.»

C'est sans oublier que Vincent Lacroix aurait aimé être plus efficace quand il contre-interrogeait les témoins. Il espère que le juge Claude Leblond croira ce qu'il a tenté de démontrer sur l'argent «détourné». «Je pensais qu'il était clair que les retraits touchant Desjardins Opvest n'étaient pas irréguliers. Mais on n'a pas accroché là-dessus.»

Rappelons que pendant les audiences, le juricomptable François Filion a affirmé que parmi les facteurs qualifiant un retrait d'irrégulier, l'on retrouve le passage des sommes ailleurs que dans un compte en fiducie. Les témoins qui se sont présentés en cour ont pourtant rappelé que dans certaines circonstances, l'argent pouvait très bien transiter du gardien de valeurs vers un courtier en valeurs mobilières et toujours appartenir aux investisseurs.

Peu importe, le résultat attendu n'est visiblement pas encore venu. «Quand j'ai voulu tomber là-dedans, dit M. Lacroix, j'ai souvent été référé à d'autres témoins.»

Enfin, l'accusé estime que la poursuite ne cherche pas simplement à le punir. Et peu importe le résultat, bien des questions demeureront. «Ils veulent faire un exemple. À la fin de tout cela, j'ai l'impression que le public sera très mécontent.»