«Si ça ferme pour de bon, je ferai comme d'habitude. Je prendrai mon coffre à outils et je chercherai un emploi ailleurs.»

«Si ça ferme pour de bon, je ferai comme d'habitude. Je prendrai mon coffre à outils et je chercherai un emploi ailleurs.»

Malgré l'annonce de la fermeture de l'usine Commonwealth Plywood de Sainte-Thérèse, Jean Bélisle, âgé de 58 ans, refusait de s'inquiéter.

«J'ai longtemps travaillé dans la construction et des emplois, j'en ai perdu, les uns après les autres. J'ai vu plein de gars éclater en larmes à l'annonce d'une mise à pied. Pas moi.»

En après-midi, une lettre a été apposée au babillard de l'usine. «Vous serez mis à pied à compter du 30 juillet pour une durée indéterminée. Nous espérons que des conditions favorables à une reprise des activités dans un proche avenir nous permettront de limiter la durée de cette mise à pied.»

De façon étonnante, cette «mise à pied d'une durée indéterminée» n'a pas été accueillie dans la panique par les 150 employés de Sainte-Thérèse, mais dans l'incrédulité. Cette lettre, n'est-ce pas tout simplement l'habituel signal de vacances prolongées pas trop, trop désagréables?

C'est que chaque été, bon an, mal an, les employés se font dire que leurs vacances seront plus longues d'une semaine, de deux semaines ou d'un mois. C'est cyclique.

Les stocks de bois, en cette période de l'année, sont souvent à leur plus bas, et la mise à pied de quelques semaines - compensée par l'assurance emploi - est souvent la bienvenue.

«Cette année, peut-être qu'on aura des vacances de sept ou huit semaines, et ça ne m'énerve pas. C'est comme ça, dans la foresterie», lançait jeudi Gervais Dubé, ancien employé de General Motors.

Plusieurs pensaient comme lui et minimisaient l'annonce. Il n'y a plus de bois dans la cour de l'usine? Qu'importe! Le bois, ça va, ça vient

Jean Bélisle, lui, croit que cette fois, il y a des risques pour que ça soit vrai. D'autant que cette crise est depuis longtemps écrite dans le ciel.

«Quand Richard Desjardins s'est mis à chanter, il disait vrai. Oui, plein de compagnies volaient le bois; oui, elles coupaient quatre fois plus d'arbres que ce qui était autorisé. Et aujourd'hui, il ne nous reste plus que le tiers de la forêt boréale. C'est comme ça quand tu coupes et que tu ne reboises pas.»

Le gouvernement a été obligé de serrer la vis et l'industrie forestière ne gagnera pas grand-chose à réclamer un assouplissement des normes, selon M. Bélisle.

«Si on recommence à couper, dans quelques années, il n'y aura plus de bois. C'est un couteau à deux tranchants.»

L'entreprise bluffe-t-elle et cherche-t-elle simplement par cette menace de pertes d'emplois massives à faire pression sur le gouvernement? Les employés ont-ils raison de croire qu'ils rentreront travailler avant l'automne?

À écouter Joël Quévillon, vice-président en foresterie de la Commonwealth Plywood, rien ne le laisse présager.

«On n'est pas allés en forêt cet hiver. À ce temps-ci de l'année, on devrait être en train de construire des routes et de peinturer les arbres à abattre. Mais là, on ne fait rien de cela.»

En clair: la prochaine récolte est loin d'être sur les rails. N'en rajoutez pas: la cour est vide.