Le fiscaliste montréalais bien connu Michel Faille a été condamné hier à verser près de 16,6 millions $ à Revenu Québec.

Le fiscaliste montréalais bien connu Michel Faille a été condamné hier à verser près de 16,6 millions $ à Revenu Québec.

Cet homme a été un des gros acteurs de la métropole dans certains abris fiscaux durant les années 80 et 90, puis il a travaillé comme agent commercial de la firme Jitec en 2000. Et il dit n'avoir aucune intention de payer parce qu'il n'a "pas cet argent-là".

Selon le jugement déposé hier au palais de justice de Montréal, la condamnation à payer 16 564 489,66 $ est basée sur "un ou des avis de cotisation totalisant le montant de 8 907 815,09 $" qui ont été envoyés à M. Faille entre novembre 1988 et juin 2006 et qui demeurent impayés. La différence entre les deux montants est constituée d'intérêts et de divers frais.

La responsable du dossier à Revenu Québec, l'agente de gestion financière Maryse Hébert, a indiqué ne pouvoir faire aucune déclaration sur le dossier d'un contribuable.

"Je ne paierai pas. Voyons donc, je n'ai pas cet argent et je ne l'aurai jamais", a dit hier M. Faille, qui se dit victime de harcèlement et de shylocking de la part du fisc au sujet d'une vieille affaire qui remonte à 1987. "Ils mettent ça dans les éléments d'actif du gouvernement, ça paraît bien..."

M. Faille explique qu'il avait gagné 4 millions $ en 1987 sur "une grosse transaction fiscale", et que c'est cette somme qui lui a été cotisée, à tort, selon lui. Durant une courte période de trois mois, M. Faille dit avoir été "un des plus gros joueurs" dans la vente d'un abri fiscal appelé Compte de dividendes en capital. Il dit en avoir vendu pour 100 millions $ et que les 4 millions $ en litige sont une rémunération.

L'abri fiscal, qui a été aboli par Revenu Canada après s'être propagé dans tout le Canada, selon M. Faille, permettait à des propriétaires de PME de "sortir libre d'impôts" des montants par tranches de 100 000 $. "La compagnie investissait 121 000 $, on lui remettait 100 000 $, que l'actionnaire de la PME pouvait sortir libres d'impôt." Une astuce fiscale avantageuse, si on compare au traitement fiscal d'un dividende, à l'époque.

"J'en ai fait durant trois mois, mais j'avais une grosse clientète et j'étais le plus gros gars parmi ceux qui référaient ça aux corporations. C'était légal (...) tous les grands bureaux d'avocats en faisaient aussi", dit M. Faille.

"Le gouvernement a changé la loi en septembre 1987, après il y a eu une grosse enquête de Revenu Canada, qui a duré sept ans."

M. Faille dit avoir suscité un intérêt considérable de la part du percepteur fédéral à partir de 1988, puis de la part de Revenu Québec vers 1996 : "J'ai été sous enquête, continuellement, de Revenu Canada jusqu'en 1995, il y avait trois de leurs enquêteurs dans mes bureaux durant tout ce temps-là, je leur fournissais des bureaux, la photocopieuse, le papier. Je leur montais du café et des beignes, on était comme des amis à la fin !" dit M. Faille en riant. "Enfin, je savais ce qu'ils voulaient, on n'était pas vraiment amis, mais bon, c'étaient des êtres humains..."

Revenu Canada a monté un dossier de 100 000 pages, affirme M. Faille. "À un moment donné, ils les avaient perdues, leurs 100 000 pages !" Ce qui les a fait recommencer leur cohabitation dans le bureau de M. Faille, soutient-il.

Tous ces beignets et ce café n'ont pas refroidi l'ardeur des enquêteurs de Revenu Canada, qui "sont venus regarder chez moi par les fenêtres du sous-sol" et qui ont "fait des descentes chez n'importe qui à qui j'avais fait un chèque, du harcèlement pur et simple."

Quand Revenu Canada a abandonné l'enquête, dit M. faille, Revenu Québec est apparu dans le dossier vers 1996.

Selon M. Faille, sa condamnation d'hier tient uniquement à une erreur de son avocat, qui a omis d'interjeter appel dans les délais d'une cotisation de Revenu Québec vers 1996. "C'était un avocat du bureau de Me Pierre Boivin, Boivin-Deschamps, à Laval." (Mais son avocat n'était pas Pierre Boivin lui-même. Me Boivin fait l'objet d'accusations criminelles de blanchiment d'argent. )

Selon M. Faille, sa facture est passée de 8,9 millions $ à 16,6 millions $ en vertu d'une amende criminelle de 200 % du montant originellement cotisé, à laquelle se sont aussi ajoutés des intérêts.

M. Faille est aussi connu pour son rôle dans Jitec, la firme technologique montréalaise qu'il a aidée pour obtenir des contrats américains. Jitec s'est par la suite écroulée dans un scandale boursier dont M. Faille affirme être une victime.

Avec la collaboration de Francis Vailles

© 2006 Le Soleil. Tous droits réservés.