Vous l'admettrez, la passion n'est pas nécessairement la première image qui nous vient à l'esprit lorsqu'on s'apprête à rencontrer un banquier. Intelligence, rigueur, froideur, calcul: peut-être, mais passion, non.

Vous l'admettrez, la passion n'est pas nécessairement la première image qui nous vient à l'esprit lorsqu'on s'apprête à rencontrer un banquier. Intelligence, rigueur, froideur, calcul: peut-être, mais passion, non.

C'est pourtant l'impression la plus forte qui se dégage de l'entrevue que nous a accordée Louis Vachon, qui vient d'être nommé numéro deux à la Banque Nationale. Cet homme, petit-fils du fondateur des petits gâteaux Vachon, est loin d'être ennuyant.

Louis Vachon n'emploie pas la langue de bois. Il est direct et a une bonne dose d'humour. C'est un féru de lecture, avec un faible pour les biographies. Il a longtemps pratiqué les arts martiaux, c'est un spécialiste du kendo, une discipline qui combine l'histoire, une autre de ses passions, et les sports de contact. Les défis ne lui font pas peur, c'est plutôt ce qui l'allume.

Il vient d'être servi en devenant, à 44 ans, le chef de l'exploitation de la plus importante banque au Québec. Une nomination qu'il ne prend pas à la légère. " À mon avis, la vraie nature d'une personne se révèle quand tu lui donnes plus de responsabilités. Ce que j'admire le plus chez les gens, c'est leur capacité d'évoluer comme individu. Car ton talent et ta passion peuvent te conduire jusqu'à un certain niveau; ce qui fait la différence, c'est l'humain. "

Issu d'une famille d'entrepreneurs, il a baigné pendant son enfance dans le monde des affaires et de la finance. Mais c'est un roman inscrit au curriculum d'un cours du collège américain qu'il fréquentait qui sera l'élément déclencheur de son choix de carrière. A Billion Dollars Sure Thing, du romancier Paul Erdman, l'inventeur du roman financier, lui a donné la piqûre des produits dérivés. " C'était une histoire fascinante de spéculation financière. Comme c'était un roman, il expliquait de façon simple ce qu'était un contrat à terme sur les monnaies. " Ce livre comportait tous les éléments pour attirer cet étudiant curieux: une action qui se déroulait dans le monde des affaires à l'échelle internationale et, surtout, le défi de comprendre la mécanique de produits financiers pratiquement inconnus à l'époque.

" Ça doit être mon petit côté beauceron, mon père était pareil, tout ce qui est nouveau, c'est beau en partant ", dit-il en riant. Aujourd'hui, Louis Vachon est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes des produits dérivés au Canada et dans le monde.

Quand il parle de sa spécialité, il est catégorique: " Cette nouvelle ingénierie a joué un rôle majeur dans l'amélioration de l'efficacité du système financier international. " Ses explications sont simples et nous aident à mieux comprendre cette mécanique qui permet aux gestionnaires de gérer leurs risques: " On prend un risque, si tu ne le veux pas, t'es capable de le transférer à quelqu'un d'autre. Les gens se retrouvent avec le portefeuille de titres ou de risques qu'ils veulent avoir et non pas celui que le marché leur impose. "

Aujourd'hui, tous les grands marchés de la planète réagissent aux mêmes événements, presque en même temps. Louis Vachon identifie ce phénomène comme étant l'un des grands défis que pourrait devoir affronter le système financier international. " Les gains de diversification que vous aviez à l'époque, parce que les marchés ne bougeaient pas en même temps, c'est moins vrai aujourd'hui. Les marchés réagissent de la même façon, aux mêmes données économiques. "

Mais ce qui occupent essentiellement les pensées de Louis Vachon par les temps qui courent, c'est de faire une " bonne job " comme chef de l'exploitation de la Banque Nationale. " J'ose espérer que je serai capable de communiquer ma passion. "

Sous sa direction, la Banque Nationale continuera d'être très présente auprès des entreprises québécoises. " C'est un rôle fondamental dans le développement économique du Québec. Ça ne nous empêche pas de regarder une expansion sélective hors Québec. Mais ce rôle de leader, on ne peut pas le négliger, c'est clair. "

On ne le croirait pas à l'entendre aujourd'hui, mais Louis Vachon a bien failli faire carrière à l'extérieur du Québec.

Au printemps 1996, après six ans à Toronto chez BT Bank of Canada, il est à la croisée des chemins. Deux employeurs le courtisent: la Banque Nationale et une importante firme de courtage new-yorkaise.

D'un point de vue professionnel, les offres s'équivalent. Marié et père de deux enfants, ilverra sa famille faire la différence: " Je voulais des francophones bilingues et non des anglophones bilingues comme enfants ", dit-il.

Il se joindra donc à la BN en 1996 à titre de président et chef de la direction d'Innocap Investment Management. Dix ans plus tard, Louis Vachon se retrouve numéro deux de l'institution montréalaise. À quand le poste de numéro un, actuellement occupé par Réal Raymond? Passionné, mais quand même prudent, Louis Vachon ne veut pas s'aventurer sur ce terrain.

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