Le juge Pierre Jasmin a accepté la requête en recours collectif de 130 millions de dollars d'un groupe d'investisseurs contre Vincent Lacroix et contre l'Autorité des marchés financiers (AMF). L'organisme pourrait donc être tenu responsable de la déconfiture de Norbourg et des pertes subies par les épargnants.

Le juge Pierre Jasmin a accepté la requête en recours collectif de 130 millions de dollars d'un groupe d'investisseurs contre Vincent Lacroix et contre l'Autorité des marchés financiers (AMF). L'organisme pourrait donc être tenu responsable de la déconfiture de Norbourg et des pertes subies par les épargnants.

Le jugement, très attendu, n'a pas fait plaisir à l'AMF, qui avait décidé d'intenter son propre recours collectif contre Vincent Lacroix pour désamorcer les critiques des investisseurs à son endroit. " On prend acte de la décision du juge ", a commenté laconiquement Philippe Roy, porte-parole de l'AMF.

Selon lui, le jugement rendu public hier ne dit pas que l'AMF a commis une faute, mais laisse au juge qui entendra le recours collectif le soin d'examiner la responsabilité de l'organisme dans la fraude.

Le juge a rejeté le plaidoyer d'immunité de l'AMF. " Cette immunité que le législateur a conférée à l'AMF n'est pas une immunité absolue, écrit-il, mais bien relative. (...) Si le juge du fond conclut à la faute lourde de l'AMF et à sa responsabilité, cette dernière pourrait éventuellement être appelée à indemniser tous les investisseurs qui auraient subi des dommages suite à l'inaction de l'AMF. "

Les investisseurs floués joints par La Presse Affaires ont bien reçu la nouvelle, tout en émettant quelques bémols.

" Je suis contente que le recours soit autorisé, ça c'est certain, et je suis contente que Vincent Lacroix se soit fait refuser l'aide juridique, mais pendant ce temps, les délais s'accumulent ", a confié Hélène Simard, qui a perdu quelques milliers de dollars dans l'aventure.

Fernand De Guise, de Sorel, considère de son côté que les preuves qui seront déposées pendant le procès permettront de faire une partie de la lumière sur le scandale. Il s'en réjouit.

" À défaut d'avoir une commission d'enquête publique, c'est une bonne nouvelle parce que l'AMF devra répondre de ses actes ou de l'absence de ses gestes ", a dit M. De Guise pendant un entretien téléphonique.

Une longue liste

Le recours collectif piloté par Wilhelm Pellemans au nom des investisseurs lésés visait une longue liste de responsables de ce scandale financier mis au jour en août 2005. En plus de Vincent Lacroix et de ses employés, cette liste incluait Claude Boisvenue, qui avait vendu sa firme de placement à Vincent Lacroix, les firmes de vérificateurs KPMG et PricewaterhouseCoopers ainsi que le gardien de valeurs Northern Trust.

Le juge a réduit cette liste. Ainsi, il estime que Claude Boisvenue ne peut être tenu responsable de la fraude commise par Vincent Lacroix.

Selon les investisseurs, la firme KPMG devait être partie au recours collectif parce qu'elle n'a pas fait son travail, à savoir la vérification utile et efficace des états financiers des Fonds Evolution. Le juge ne dit pas qu'ils ont tort, mais il explique que le rôle de KPMG ne concerne que les Fonds Evolution et non l'ensemble des activités de Norbourg concernées par le recours collectif et, pour cette raison, il exclut KPMG de la liste des responsables.

Même chose pour PricewaterhouseCoopers, qui doit être retranchée de la liste, a décidé le juge Jasmin. En défense, PricewaterhouseCoopers avait fait valoir que " même si elle avait découvert la fraude commise dans les Fonds Evolution, soit les retraits illégaux, elle n'avait aucune obligation d'alerter les autorités compétentes et, de plus, elle aurait été tenue au secret professionnel ".

Par contre, le juge retient la responsabilité de Northern Trust, qui agissait comme gardien de valeurs pour les Fonds Norbourg et Evolution et qui a transféré des sommes importantes dans plusieurs comptes en banque différents. " Le juge saisi du fond pourrait en venir à la conclusion que le fait pour Northern Trust d'avoir, pendant une période de plus de cinq ans, transféré à des dizaines de reprises d'importantes sommes d'argent provenant des fonds sous sa garde dans plusieurs institutions financières différentes, aurait dû l'amener à faire preuve d'une plus grande rigueur et à demander certaines explications au gérant ou au fiduciaire ", écrit le juge.

John O'Connell, vice-président de Northern Trust, affirmait ne pas avoir été mis au courant de la décision lorsque La Presse Affaires l'a joint à Chicago en fin d'après-midi. " Nous ne formulerons aucun commentaire tant que nous n'aurons pas pu la lire ", s'est-il contenté de répondre.

Par ailleurs, la demande en recours collectif de l'AMF sera entendue les 2 et 3 octobre prochains.

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