Chaque jeudi, La Presse Affaires présente des gens qui s'illustrent par leur créativité et leur sens de l'innovation en affaires. Leurs idées, leurs produits et leurs façons de faire nous séduisent, leur parcours vous inspirera.

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Vous croyez que votre environnement est déjà saturé de pub? Par ces slogans qui s'infiltrent jusque dans votre réfrigérateur, votre boîte de courriels, les toilettes publiques? Erreur. Un espace n'avait pas encore été conquis. Deux femmes ambitieuses viennent de mettre le grappin dessus: les salles d'essayage.

Cela semble difficile à croire, mais personne, jusqu'à l'an dernier, n'avait jamais songé à doter les cabines d'essayage de publicités. L'endroit s'y prête pourtant drôlement bien. Des murs vierges. Des consommateurs captifs... et à l'esprit ouvert à la consommation, le portefeuille déjà entrouvert. " L'idée est tellement évidente que, quand on l'a eue, on s'est dit que quelqu'un l'avait certainement eue avant nous, se souvient Danielle Chagnon, présidente de Fashion frame. De la publicité, il y en a partout. C'est comme si un endroit, certainement l'un des meilleurs, avait été complètement oublié. " Martyne Rioux et Danielle Chagnon ont vérifié discrètement qu'elles étaient seules sur ce coup- une bonne idée, aussi simple de surcroît, ce n'est pas bien complexe à pirater- elles ont fait les études de marché nécessaires et puis...

" Et puis 12 mois plus tard, on commence à respirer. On a déjà passé le seuil critique de croissance qui nous permet de croire qu'on va durer ", estime Danielle Chagnon. À force de serrer des mains, Danielle Chagnon et Martyne Rioux, deux amies réunies par leur amour pour la pub et la mode, ont convaincu 250 boutiques de faire affaire avec elles. Leurs petits cadres argentés, dans lesquels les annonceurs s'affichent pour une quarantaine de dollars par mois (les prix varient en fonction de la région ) sont accrochés aux murs de 2000 cabines d'essayage réparties dans la province.

Il faut dire que les deux femmes en noir ont des arguments de poids. D'abord pour convaincre les boutiques de les laisser infiltrer leurs isoloirs. Elles leur promettent des revenus constants, peu importe que l'espace publicitaire soit occupé ou non. Puis, pour les annonceurs: elles leur assurent une clientèle captive et bien ciblée selon la boutique choisie. " Les femmes passent en moyenne 20 minutes dans une cabine d'essayage. Bien sûr, elles ne font pas que regarder la publicité. Elles se déshabillent, essaient des vêtements. Mais pendant tout ce temps, elles sont en contact de très près avec une et une seule publicité ", souligne Martyne Rioux, vice-présidente de Fashion frame. Le produit n'est donc jamais en compétition avec un autre. Contrairement aux magazines de mode féminine par exemple où, page après page, les compagnies de produits de beauté se cannibalisent, luttant bec et ongles pour obtenir les faveurs des mêmes consommatrices.

Les entrepreneuses, qui possèdent une longue expérience en marketing, ont aussi pensé au danger du rejet. Au risque que des consommateurs soient choqués de voir s'immiscer des publicités dans un lieu aussi intime et que, au lieu d'être séduits par le produit annoncé, ils éprouvent plutôt une certaine répulsion envers lui. " Aucun acte de vandalisme ne nous a été rapporté, ni aucune plainte ", avance Martyne Rioux.

Et d'ajouter, comme pour se dédouaner: " En faisant des recherches, nous avons découvert récemment qu'une entreprise européenne avait eu la même idée que nous. Si nous n'avions pas mis de la pub dans les cabines, quelqu'un d'autre l'aurait fait à note place. Ce n'était qu'une question de temps. La marketing ciblé, c'est la nouvelle tendance forte. "

Le courage de tout quitter

Certains diront que Danielle Chagnon et Martyne Rioux sont du type à aimer se compliquer la vie. Il y a un peu plus d'un an, elles occupaient encore des postes de cadres aux avantages et aux revenus plus qu'alléchants. Mme Chagnon, ancienne vice-présidente de la division produit d'Astral Média était chef de sa propre entreprise de consultation. Mme Rioux, membre de l'équipe de direction chez Astral Média. Elles pouvaient se permettre de faire plusieurs voyages par année. Et pas à Longueuil. Le ski dans les Alpes l'hiver. Les emplettes de Noël à Paris.

" Nous avons dû faire preuve de beaucoup d'humilité, remarque Martyne Rioux. On avait parfois l'impression de recommencer tout au bas de l'échelle. On était habitués d'avoir des assistants. Là, on fait tout, on fait la paperasse, on écrit les communiqués. Ce ne sont pas tous les hommes d'affaires qui seraient prêts à se remettre à ce régime. "

" Pour tout quitter, il fallait qu'on soit vraiment convaincues de réussir. Mais on avait besoin de relever de nouveaux défis. Nos preuves, on les avait déjà faites. On voulait mettre notre expérience à note profit. Comme aucune de nous n'a eu d'enfant, on voulait pouvoir laisser quelque chose derrière nous ", déballe Danielle Chagnon, d'une voix toujours marquée d'un débit très rapide.

Martyne Rioux a 42 ans, alors que Danielle Chagnon en a 52 ans. " C'était maintenant ou jamais ", disent-elles.

Un conseil aux antipubs: profitez des dernières cabines d'essayages vierges. Dès le printemps, Fashion frame s'installe en Ontario. Après, on vise l'Ouest avec Vancouver et Calgary...

LE CONCEPTUn nouveau réseau d'affichage de publicité dans les cabines d'essayage.

ON AIME

L'audace d'un duo d'amies passionnées, qui ont lâché la sécurité et le confort de leur emploi stable et fort bien rémunéré pour mettre un peu de piquant dans leur vie et relever de nouveaux défis.

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