La table est mise pour le lancement de la CSeries, la nouvelle famille d'appareils de 110 et 130 places de Bombardier (T.BBD.B).

La table est mise pour le lancement de la CSeries, la nouvelle famille d'appareils de 110 et 130 places de Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]].

L'entreprise a convoqué les médias à une conférence de presse dimanche matin à Farnborough, un bon 24 heures avant l'ouverture officielle du salon aéronautique. Le président de Bombardier, Pierre Beaudoin, sera présent, tout comme le président de Bombardier Aéronautique Guy Hachey et le responsable du projet de CSeries, Gary Scott.

Plusieurs indices laissaient présager un décollage imminent. Il y a quelques semaines, Bombardier a fait savoir qu'elle s'apprêtait à engager 500 ingénieurs de plus à son nouveaux centre de développement de produits aéronautiques de Saint-Laurent. Dimanche dernier, les machinistes québécois de Bombardier ont approuvé une convention collective qui donnerait plus de flexibilité à l'entreprise au cas où elle choisirait de faire assembler sa CSeries à Mirabel. Ils ont toutefois spécifié que le projet de convention deviendra nul si Bombardier n'annonce pas le site de l'assemblage final avant le 15 juillet.

Un autre indice, plutôt amusant celui-là : dans un communiqué de presse sur la participation de Bombardier au salon de Farnborough, émis mardi dernier, l'entreprise a oublié d'utiliser le conditionnel pour parler de la CSeries. Elle a ainsi écrit que "la gamme révolutionnaire d'avions CSeries sera construite pour offrir des caractéristiques économiques inégalées, pour réduire ses émissions de CO2 de 20% et ses émissions de NOX de 50%, pour être quatre fois plus silencieux pour les localités avoisinant les aéroports et pour offrir une consommation de carburant réduite de 20%".

Bombardier a retrouvé le conditionnel dans une nouvelle version du communiqué, diffusée quelques heures plus tard : "Si une décision de lancement de la gamme révolutionnaire d'avions CSeries était prise, les appareils CSeries seraient fabriqués pour offrir..."

Enfin, on a demandé au ministre du Développement économique du Québec, Raymond Bachand, et au ministre fédéral de l'Industrie, Jim Prentice, de laisser libre leur horaire demain matin.

Cela fait plus de 10 ans que Bombardier jongle avec l'idée d'un appareil plus gros que ses biréacteurs régionaux, un appareil qui aurait cinq sièges par rangée plutôt que quatre. L'ancêtre de la CSeries, le BRJ-X, présenté à Farnborough en septembre 1998, n'a toutefois jamais pris son envol. L'avionneur canadien a plutôt décidé d'allonger son CRJ700, un biréacteur régional de 70 places, pour en faire un avion de 90 places. Ce dernier connaît d'ailleurs beaucoup de succès aujourd'hui.

Innovations

En juillet 2004, Bombardier a présenté une première version de la CSeries, mais la minceur du carnet de commande a forcé l'avionneur à mettre le projet sur la glace. Bombardier est cependant revenu avec une nouvelle version de la CSeries en 2007: un appareil plus court, donc plus léger, qui pourra compter sur des ailes fabriquées entièrement de matériaux composites. En fait, 70% des matériaux de la structure de l'appareil sont tellement avancés qu'on ne les retrouvent pas sur les avions en service aujourd'hui.

Ce qui différencie cependant la nouvelle version de la CSeries de l'ancienne, c'est le moteur, une turbo-soufflante à réducteur que Pratt&Whitney est présentement en train de mettre au point. Grâce à ce moteur et à la légèreté des matériaux utilisés, les coûts d'exploitation de la nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places seront 15% inférieurs à ceux des avions présentement en service.

C'est Pratt&Whitney qui assume totalement les coûts de conception et de mise au point de son moteur, qui équipera également le nouveau biréacteur régional de Mitsubishi. La mise au point de la CSeries nécessitera pour sa part des investissements de 2,5 milliards de dollars US, qui seront partagés à parts égales par Bombardier, par ses fournisseurs-partenaires et par les gouvernements.

Partenaires

Jusqu'à maintenant, un seul de ces partenaires a été identifié, la société chinoise AVIC I, qui fabriquera le fuselage central de la CSeries. En juin 2007, AVIC I s'est engagée à investir 400 millions dans la conception de cet important composant.

Dans le cadre du projet initial, l'usine de Bombardier à Saint-Laurent devait fabriquer la cabine de pilotage de la CSeries, alors que l'usine Shorts à Belfast devait réaliser les ailes, les nacelles des réacteurs et les structures de l'empennage en matériaux composites. Dans la région montréalaise, Mecachrome devait concevoir et fabriquer le mât des réacteurs, soit la structure qui relie le moteur à l'aile.

Bombardier n'a pas fait savoir qui héritera de ces précieux contrats pour la nouvelle version de la CSeries. Les mêmes fournisseurs ont relancé l'avionneur dans l'espoir de monter à bord du nouvel appareil. Sonaca, une société belge, est pour sa part bien placée pour mettre la main sur les bords d'attaque des ailes.

Le porte-parole de Bombardier Aéronautique, Marc Duchesne, a indiqué que la nouvelle usine de Bombardier à Querétaro, au Mexique, pourrait mettre la main sur quelques composants. À l'heure actuelle, l'usine mexicaine fabrique les harnais électriques des biréacteurs régionaux de Bombardier, soit tout le filage électrique qui court dans les avions, ainsi que l'empennage de la queue des appareils de la famille Global et les stabilisateurs horizontaux et verticaux du Q400.

Financement

Les gouvernements du Canada, du Québec et du Royaume-Uni s'étaient engagés à investir 700 millions US dans le projet initial, soit 262,5 millions US pour Ottawa, 87,5 millions US pour Québec et 340 millions US pour Londres. Le nouveau gouvernement conservateur a fait savoir qu'il honorera l'engagement pris par les libéraux mais qu'il ne versera pas un sou de plus. Le ministre des Travaux publics, Michael Fortier, a toutefois indiqué que le fédéral pourrait faire preuve de flexibilité sur le plan des conditions.

Pour sa part, le ministre québécois du Développement économique, Raymond Bachand, a indiqué que Québec avait présenté sensiblement la même offre à Bombardier.

L'aide gouvernementale canadienne et québécoise est évidemment liée à l'établissement d'une usine d'assemblage final à Mirabel. Or, ce site fait face à la concurrence de Kansas City, au Missouri. Le gouvernement de l'État est prêt à offrir 240 millions US en crédit d'impôts à Bombardier pour l'accueillir.

Il reste à savoir si les clients de la CSeries seront au rendez-vous. Au salon aéronautique du Bourget, il y a un an, Northwest Airlines s'était montrée vivement intéressée à la CSeries. Le transporteur a toutefois entrepris depuis une fusion avec Delta Air Lines et n'a pas l'esprit aux acquisitions.

Trois clients potentiels, Qatar Airways, Lufthansa et International Leaser Finance Corporation ont exprimé leur intérêt en février dernier. L'analyste Jacques Kavafian, de la firme Research Capital, a écrit récemment que China Southern et Shanghai Airlines se joindraient à eux, ce qui permettrait à Bombardier d'inscrire entre 50 et 100 commandes dans le carnet de la CSeries et garantirait ainsi le lancement de la nouvelle famille.

Shanghai Airlines, une société aérienne du sud de la Chine, a cependant affirmé cette semaine qu'elle n'avait passé aucune commande auprès de Bombardier.

L'analyste Cameron Doersken, de la firme Versant Partners, a affirmé que ce ne sera pas la fin du monde si Bombardier ne lance pas la CSeries à Farnborough. Il a indiqué que les transporteurs dans l'ensemble du monde étaient probablement encore en train d'évaluer leurs flottes en fonction des prix élevés du carburant. L'annonce pourrait donc être retardée quelque peu.

«Néanmoins, nous soupçonnons que le marché aura une perception négative si la CSeries n'est pas lancée à Farnborough», a-t-il écrit.

Ce n'est pas l'avis de Benoît Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins.

«Compte tenu du repli récent du titre, des commentaires de la direction et des commandes qui pourront être passées, je ne pense pas que le marché sera déçu si l'annonce de la CSeries ne se fait pas dans le cadre du salon», a-t-il affirmé.

---

LA NOUVELLE GAMME DE BOMBARDIER

Réacteur

C'est Pratt&Whitney qui fabriquera le réacteur à Hartford, au Connecticut. Il s'agit d'une turbo-soufflante à réducteur.

Mât du réacteur

Dans le cadre du projet initial, Mecachrome devait fabriquer le mât du réacteur à son usine de Mirabel. Elle est encore sur les rangs.

Fuselage central

La société chinoise AVIC I fabriquera le fuselage central en Chine.

Ailes et nacelle

L'usine Shorts de Bombardier à Belfast était responsable des ailes et de la nacelle du premier projet. Elle vise le même contrat.

Bord d'attaque

La société belge Sonaca est bien placée pour fabriquer les bords d'attaque des ailes, un travail qui se ferait en Europe.

Cabine de pilotage

L'usine de Bombardier à Saint-Laurent devait fabriquer la cabine de pilotage de la première version de la CSeries. Elle espère obtenir le même contrat.

---

LES CONCURRENTS DE LA CSERIES

100 À 120 PLACES

- Bombardier CSeries 110

- Embraer E-190 et E-195

- Airbus A318

- Boeing 737-600

120 à 149 places

- Bombardier CSeries 130

- Embraer --

- Airbus A319

- Boeing 737-700

---

LA CSERIES DANS LE TEMPS

8 SEPTEMBRE 1998

Présentation du BRJ-X, l'ancêtre de la Cseries, à Farnborough

28 NOVEMBRE 2000

Abandon du BRJ-X

19 JUILLET 2004

Présentation de la Cseries à Farnborough

15 MARS 2005

Permission d'offrir la Cseries aux clients potentiels

12 JUIN 2005

Choix d'un moteur de P&WC et de Mirabel comme site d'assemblage

31 MAI 2006

Mise sur la glace de la Cseries

18 JUIN 2007

Entente de principe avec la société chinoise AVIC sur Ia nouvelle Cseries

22 FÉVRIER 2008

Permission d'offrir la nouvelle Cseries aux clients potentiels