Le sentiment d'isolement est la bête noire de nombreux travailleurs autonomes. Les cafés? Souvent bruyants et peu ergonomiques. Partager un lieu de travail avec des pairs pourrait s'avérer un bon compromis.

Le sentiment d'isolement est la bête noire de nombreux travailleurs autonomes. Les cafés? Souvent bruyants et peu ergonomiques. Partager un lieu de travail avec des pairs pourrait s'avérer un bon compromis.

Quand ils en ont marre d'être isolés à la maison, certains travailleurs autonomes s'installent dans les cafés ou dans des bibliothèques. Depuis février, ils disposent d'une autre option: la Station C, le premier et seul bureau communautaire à Montréal.

Essentiellement, le bureau communautaire est un lieu où l'on peut travailler, échanger avec des pairs et même rencontrer des clients dans un décor professionnel, à un coût moindre qu'un bureau à usager unique, explique Sylvie Laferté, professeure en marketing et management à la TELUQ.

De 2001 à 2006, les travailleurs autonomes sont passés de 10,1 à 13,3% de la main-d'oeuvre québécoise, selon l'Institut de la statistique du Québec. Aux dernières nouvelles, la majorité d'entre eux n'avaient pas d'employés.

Cela fait bien du monde qui travaille seul dans son coin, soumis à toutes les tentations de "procrastiner" qu'on peut trouver chez soi. Entre le chat qui veut de l'attention, le film qui suit le téléjournal du midi et même le panier de lavage, les distractions ne manquent pas.

De fait, tous n'ont pas la discipline nécessaire pour travailler seuls à la maison, souligne Luc Brunet, psychologue industriel et professeur à l'Université de Montréal.

Mais surtout, il faut comprendre que l'homme est un animal social, dit-il.

«Être entouré de gens, sortir de la maison, profiter d'une bonne ambiance de travail, voilà autant de facteurs qui contribuent à la motivation.»

À la Station C, en plein coeur du Mile End, les utilisateurs, qu'on appelle des membres, insistent effectivement sur l'attrait du contact avec les gens. Dans le grand loft, il n'y a d'ailleurs pas de bureaux fermés, seulement de grandes tables de travail communes. Deux salles de conférence peuvent servir aux appels de nature privée ou de longue durée.

Christine Préfontaine, membre assidue de la Station C, n'est même pas travailleuse autonome!

Elle est conseillère principale en communications pour un organisme gouvernemental, qui lui permet de travailler à distance.

«J'ai un bureau chez moi à cinq minutes de marche, mais je préfère travailler ici», affirme la jeune femme de 39 ans, qui a décidé de payer l'abonnement de sa poche. «Ça me donne accès à une communauté.»

Comme chacun est plutôt occupé à sa petite affaire pendant la journée, elle a mis en place un concept d'"Open Salad". Tous les mardis, les membres sont invités à apporter quelques ingrédients pour créer un buffet de salades improvisé. Il y a un frigo et un lave-vaisselle sur place.

D'autres membres trouvent des avantages logistiques à la formule. «Typiquement, je viens travailler ici entre deux réunions ou quelques heures avant mes parties de badminton en fin de journée. Ça me permet d'éviter l'heure de pointe», note Martine Pagé, scénariste et journaliste de 42 ans.

Au début, Mme Pagé craignait que les autres membres jasent tout le temps.

«Au contraire, l'ambiance est très propice au travail, dit-elle. Je serais plus productive si je venais plus souvent.»

L'âge des membres va de la fin vingtaine à la fin trentaine. Environ le quart sont des anglophones.

Pas d'exclusion

Les professions liées au domaine techno sont surreprésentées, mais «on n'exclut personne», observe Daniel Mireault, directeur artistique pigiste de 34 ans et copropriétaire de la Station C avec Patrick Tanguay.

Le pratico-pratique: «On fournit la table, la chaise, la connexion internet, une imprimante et un projecteur. Les membres peuvent apporter leur écran s'ils le désirent», précise M. Mireault.

Heures d'ouverture

En ce moment, la Station C est ouverte à tous de 9 à 18h. Les membres obtiennent une clé des lieux, avec accès 24 heures sur 24.

Les visiteurs impromptus sont les bienvenus - ils peuvent même faire une journée d'essai gratuitement - mais bientôt, ils devront jeter un coup d'oeil sur le web avant de passer.

En effet, à compter du 3 novembre, les heures du centre seront variables. «Nous allons demander aux membres d'indiquer leur présence sur un calendrier Google public afin que ceux qui n'ont pas de clé sachent quand ils peuvent venir», explique Daniel Mireault.

Les membres seront-ils assez disciplinés pour signifier leur présence? «J'ai hâte de voir si ça va fonctionner», se demande le copropriétaire.

Tout à fait dans le style des logiciels libres, le concept de bureau communautaire est un work in progress. Et comme le but n'est souvent pas de faire de l'argent, il y a place à exploration.