En dépit du net ralentissement de l'économie canadienne, le marché du travail conserve le gros de sa vitalité tandis que celui du Québec paraît reprendre de l'aplomb.

En dépit du net ralentissement de l'économie canadienne, le marché du travail conserve le gros de sa vitalité tandis que celui du Québec paraît reprendre de l'aplomb.

En mai, 8400 Canadiens de plus qu'en avril détenaient un emploi, ce qui a permis de garder le taux de chômage à 6,1% seulement, révèlent les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada.

Cette faible création, qui se situe à l'intérieur de la marge d'erreur de l'EPA (8400 emplois sur 17,14 millions), est interprétée comme si le marché du travail était «demeuré inchangé» par les analystes de l'agence fédérale.

Cela témoigne néanmoins d'une résistance certaine du marché du travail, si on regarde ce qui se passe au sud de la frontière. Aux États-Unis, l'économie a détruit 49 000 emplois en mai, ce qui a propulsé le taux de chômage de 5,0% à 5,5%. Il s'agit du plus grand bond en 22 ans.

En fait, si on calcule le taux de chômage canadien selon la méthodologie américaine qui fixe à 16 ans au lieu de 15 l'âge d'entrée dans la population active, on mesure mieux la détérioration du marché du travail américain. «Il s'agit de la première fois depuis 1982 que le taux de chômage au Canada calculé selon les concepts américains baisse au-dessous du taux américain», fait remarquer Philip Cross, analyste en chef à Statistique Canada qui a réalisé la comparaison.

Cela dit, le marché canadien n'est pas exempt de ratés. Seuls le Québec et l'Ontario ont affiché des gains significatifs en mai. D'un océan à l'autre, 32 200 emplois à temps plein disparus ont été remplacés par 40 600 à temps partiel, tous dans le secteur privé cependant.

Si le taux de chômage est resté stable, 13 400 personnes de plus qu'en avril étaient à la recherche active d'un emploi, ce qui porte le nombre de chômeurs à 1,12 million de Canadiens.

Au Québec, le portrait de mai a davantage de lustre: 17 900 personnes de plus détenaient un emploi (dont 11 800 à temps plein). Plus de personnes étaient sur le marché du travail que durant le mois précédent, mais le nombre de chômeurs a diminué de 2700 à 313 200. Le taux de chômage a donc fléchi de 7,6% à 7,5%.

En usine

Fait à relever, le secteur manufacturier prend du mieux. Il a créé 13 700 emplois le mois dernier de sorte que 2400 Québécois de plus qu'il y a 12 mois travaillaient en usine, le mois dernier. Selon l'agence fédérale, le dynamisme des secteurs aéronautique et du matériel roulant compenserait la léthargie du textile et du vêtement.

Il y a plus, semble-t-il. «On fait des gains de productivité, on n'est pas en train de fermer boutique», juge Joëlle Noreau, économiste principale au Mouvement Desjardins. Le secteur a connu une bonne expansion (2%) en 2005, s'est contracté un brin (0,6%) en 2006 et a repris le terrain perdu (0,8%) l'an dernier.

L'Ontario, dont le marché du travail se porte bien jusqu'ici en 2008 (80 700 emplois), n'est pas au bout de ses peines avec les déboires du secteur automobile, qui promet de nouveaux licenciements d'ici à 2010. «Ce qui était sa pierre d'assise est en train de devenir son talon d'Achille», résume Mme Noreau dans une jolie métaphore.

Reste que la société distincte n'est qu'une province sur dix. À l'échelle pancanadienne, des signes d'essoufflement sur le marché du travail en font sourciller quelques-uns. «Le secteur crucial des services n'a créé que 10 000 postes au cours des trois derniers mois, note Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. Le nombre total d'heures travaillées a déjà diminué de 1,4% en chiffres annualisés alors qu'il ne reste qu'un mois, ce trimestre.»

«Les employeurs préfèrent réduire les heures de travail plutôt que de licencier des employés qu'ils ont eu de la difficulté à embaucher ces dernières années», résume Ted Carmichael, économiste principal chez JP Morgan.

Moins d'heures travaillées présagent d'une expansion anémique, à moins d'improbables gains de productivité.

Cela devrait aussi infléchir les pressions salariales, mais ce n'est pas encore le cas. Le salaire horaire moyen était en hausse annuelle de 4,8% en mai. Cela représente une accélération par rapport à avril et demeure plus du double du taux d'inflation (1,7%). Les variations provinciales sont marquées: 2% seulement en Nouvelle-Écosse, mais 7,8% dans la bouillante Saskatchewan. Au Québec, la hausse s'élève à 3,2%, soit deux fois plus que le taux d'inflation.