Que faire avec des milliards dans son compte de banque?

Que faire avec des milliards dans son compte de banque?

La question n'est pas farfelue quand on s'appelle Apple, qu'on s'apprête à vendre des tonnes de iPod pour Noël, et qu'on est déjà assis sur 15,4 milliards US.

Bien d'autres géants de la techno ont accumulé des trésors de dizaines de milliards, tout comme les pétrolières, les pharmaceutiques et Berkshire Hathaway, le conglomérat de l'investisseur mythique Warren Buffett.

Quand il sent que la Bourse s'emballe, il accumule les milliards afin de racheter les entreprises à prix d'aubaine, lorsque le marché sombre dans la déprime. Ce style à contre-courant lui a valu des rendements nettement supérieurs aux marchés.

Mais pour un investisseur néophyte, il est assez présomptueux de jouer au Warren Buffett, de conserver une tonne d'argent dans son portefeuille, en espérant réinvestir au creux du marché.

Mieux vaut le faire de manière indirecte, en ciblant des entreprises qui disposent elles-mêmes de liquidités importantes, et qui seront bien positionnées pour acheter un concurrent en difficulté, juste au bon moment.

«Il n'y a pas 50 000 façons de les repérer. Il faut faire ses devoirs. Regarder les états financiers. S'attarder aux ratios d'endettement et de couverture des intérêts. Trouver des entreprises qui génèrent des cash flow excédentaires», expose Pascal Duquette, président et chef du placement chez Gestion de portefeuille Natcan.

Un bel exemple d'entreprise aux coffres bien garnis: la société Pfizer dispose de 27,7 milliards US de liquidités, ce qui représente 17% de sa valeur boursière.

«Je vois les actions de Pfizer comme des bons du Trésor, avec une option. Le dividende est de 4,9%. Même s'il y a peu de croissance, le titre n'est pas cher, à 11 fois les profits. Et l'action pourrait doublée en cinq ans», dit Jean-Paul Giacometti, gestionnaire de portefeuille chez Claret.

Mais attention avant de faire un chèque en blanc à une entreprise bourrée d'argent, enchaîne-t-il.

«Trop d'argent, ça rend les gens stupides. C'est bougrement important d'avoir de bons dirigeants, car ils auront la tentation d'acheter n'importe quoi, surtout que leur salaire est fondé sur la taille de leurs opérations.»

Nestlé est un bel exemple d'entreprise qui a su acheter régulièrement des concurrents, estime M. Duquette.

Mais ces dernières années, elle devait se battre contre les firmes d'investissement privé qui sautaient sur toutes les entreprises sous-évaluées, en finançant leurs achats par emprunt.

Mais la crise du crédit a freiné leur élan. Désormais, les entreprises qui disposent d'importantes liquidités auront la partie plus facile. «Il y a une prime à détenir des liquidités en ce moment», affirme M. Duquette.

À l'opposé, les entreprises qui manquent d'argent, vivent difficilement le resserrement des conditions de crédit.

Surtout que l'économie américaine tourne au ralenti «En enlevant les profits réalisés à l'étranger, la rentabilité des sociétés américaines est négative», signale Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale.

L'endettement est un levier vers la croissance lors des bonnes périodes, mais devient un boulet lors des périodes difficiles.

Prenez Quebecor World. Le banquier ne lui fait pas de cadeau. En novembre, son plan de refinancement de 750 millions de dollars a échoué. Cette semaine, la vente de sa filiale européenne a avorté.

L'action a perdu 86% de sa valeur depuis le début de l'année. Les investisseurs ont pris la fuite, craignant l'insolvabilité.

Même les entreprises en santé ont de la difficulté à récolter du financement. Entre autres, Energex a dû réduire la taille et le prix de sa récente émission, souligne M. Giacometti.

«Ce sont de bonnes occasions pour les investisseurs d'acheter des titres lors d'émissions publiques», dit-il.