Passera, passera pas?

Passera, passera pas?

Les doutes persistent à propos de l'achat de BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]], la société mère de Bell Canada, par la caisse de retraite Teachers' de Toronto et ses partenaires américains.

Et encore aujourd'hui, deux autres événements pourraient être d'une influence considérable.

À New York, une réunion extraordinaire a été convoquée entre le groupe d'acquéreurs de BCE et leurs banquiers internationaux de plus en plus récalcitrants, selon la presse d'affaires américaine.

À Montréal, la Cour d'appel du Québec doit annoncer en fin de journée sa décision envers les détenteurs de titres de dettes de BCE.

Ils réclament une compensation particulière parce que la transaction de Teachers' et ses partenaires s'appuie sur un endettement considérable de BCE, ce qui a déprécié ses titres de dette existants.

Entre-temps, en Bourse, après la bourrasque contre BCE lundi sur Wall Street, où ces grosses transactions adossées sont désormais mal-aimées, les doutes des investisseurs ont traversé la frontière hier vers la Bourse de Toronto.

Ils ont encore pesé lourdement contre les actions du géant canadien des télécoms, le faisant reculer jusqu'à 5% en début de séance.

Cette rechute s'est un peu résorbée ensuite. Mais en fermeture, les actions de BCE cotaient encore en baisse de 3,6% ou 1,42$ à 37,40$.

Il s'agit d'un cours inférieur depuis le début de mai, mais tout de même encore meilleur au creux de 34$ l'action atteint à la fin de janvier.

À la Bourse de New York, hier, les actions de BCE ont encore été fortement échangées. Mais elles ont terminé en hausse de 3% par rapport à lundi, alors qu'elles avaient basculé de 5,6% après un article du New York Times faisant état d'une bisbille croissante entre Teachers', ses partenaires et leurs banquiers.

Pour les actionnaires de BCE et les investisseurs boursiers qui spéculent sur la transaction de 52 milliards en tout convenue avec Teachers', la situation est plus incertaine que jamais.

Positivisme chez Teachers'

Néanmoins, la direction de Teachers' continue d'affirmer sa confiance en un dénouement favorable.

Et ce, malgré les récriminations de ses banquiers qui, selon la presse financière new-yorkaise, menacent de se retirer s'ils n'obtiennent pas de meilleures conditions pour leur financement de la transaction.

«Nous nous attendons à ce que tous les intervenants respectent leurs engagements et nous anticipons la conclusion prochaine de la transaction», a indiqué Deborah Allan, porte-parole de Teachers'.

Même sentiment chez l'un des principaux partenaires de Teachers' pour l'achat de BCE: Jonathan Nelson, chef de la direction de Providence Equity Partners, une firme d'investissement du Rhode Island spécialisée en télécoms.

«Nous poursuivons nos discussions avec les banques. Nous nous attendons à ce que tous respectent leurs engagements», a indiqué M. Nelson en entrevue au magazine Fortune et la chaîne CNN-Money.

Mais parmi les analystes qui surveillent BCE, on soupèse encore les chances de réalisation de la transaction avec Teachers' et ses partenaires.

«Avec la détérioration du marché du crédit, il n'est pas surprenant que les banquiers de Teachers' et ses partenaires tentent d'obtenir des termes plus favorables pour leur financement. Entre autres, ces banques veulent délester plus de risque vers les investisseurs en capitaux de la transaction», selon Joseph MacKay, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.

Mais le résultat de ces pressions des banquiers pourrait être de convaincre Teachers' et ses partenaires à réviser leur offre à la baisse.

«Les attentes des investisseurs boursiers envers une telle réduction de prix d'offre sont encore plus évidentes avec les actions de BCE rabaissées bien en deçà du prix offert par Teachers»", selon Dvai Ghose, analyste chez Genuity Capital à Toronto.

Pour le moment, des analyses entrevoient un prix abaissé autour de 39$ l'action, au lieu des 42,75 $ de l'offre encore sur la table.

Entre-temps, de gros investisseurs continuent de croire en la réalisation de l'achat de BCE par Teachers' et ses partenaires, malgré les remous.

La Caisse de dépôt et placement, notamment, a racheté 2,4 millions d'actions de BCE durant les trois premiers mois de l'année, alors que leur valeur avait chuté sous les 36$.

Cette information est contenue dans la déclaration trimestrielle de la Caisse à la SEC américaine, pour ses transactions importantes de titres cotés dans une Bourse américaine.

TROIS SCÉNARIOS POSSIBLES ET LEURS CONSÉQUENCES

Achat complété malgré les remous

Malgré les récriminations de leurs banques, Teachers' et ses partenaires complètent l'achat de BCE-Bell Canada au prix convenu de 42,75$ l'action ou 52 milliards en tout (34,8 milliards en actions, 16,9 milliards en titres de dette)

Cette clôture est prévue pour le 30 juin avec le retrait des actions de BCE des bourses de Toronto et de New York.

Du coup, les actionnaires obtiendront enfin la somme promise, après plusieurs mois d'attente.

Parmi eux: des centaines d'employés de Bell Canada, en particulier à Montréal où ils se préparent à déménager dans un nouveau campus administratif à l'île-des-Soeurs.

Entre temps, même sans autre écueil financier, la clôture de la transaction au 30 juin peut encore subir deux embûches: juridique et réglementaire.

D'une part, les détenteurs d'obligations de BCE, très mécontents de leur sort dans cette transaction, ont porté leur cause jusqu'en Cour d'appel du Québec.

Une décision à ce sujet est attendue d'une journée à l'autre. Et tout recours subséquent, en Cour suprême cette fois, pourrait retarder la clôture.

D'autre part, le régulateur canadien des télécoms, le CRTC, attend encore de BCE-Bell Canada des précisions sur deux éléments conséquents à la transaction: la nomination d'administrateur indépendant à son futur conseil et sa contribution résiduelle à un "fonds de contenu canadien" après son retrait du capital de l'entreprise Globemedia. (réseau CTV, quotidien Globe&Mail, etc.)

Cette contribution s'élève habituellement à 10% du prix d'achat d'une entreprise canadienne de médias électroniques.

En cas de litige avec BCE et Teachers', le CRTC peut décréter un délai de trois mois avant d'autoriser la clôture de la transaction.

Prix d'achat révisé à la baisse

Pour apaiser leurs banquiers, Teachers' et ses partenaires d'achat de BCE pourraient réviser leur offre à la baisse, amputant du coup quelques milliards de dollars à la transaction.

De l'avis d'analystes, cette baisse pourrait avoisiner les 8% à l'instar de ce qui est survenu récemment avec l'offre controversée pour Clear Channel, un géant de la radio aux États-Unis.

Évidemment, une telle baisse de prix d'offre serait défavorable aux actionnaires de BCE, qui ont déjà voté fortement en faveur de l'offre à 42,75$.

D'autant plus que parmi ces actionnaires, on retrouve plusieurs centaines d'employés de Bell Canada, dont les techniciens en renouvellement de convention collective.

«Ils ne savent toujours pas s'ils doivent vendre maintenant leurs actions, même à prix inférieur à l'offre, afin d'éviter un risque d'échec de la transaction. Ou plutôt, attendre la clôture de la transaction même avec un prix abaissé», a souligné Michel Ouimet, vice-président du Syndicat des communications-FTQ, qui représente près de 20 000 salariés de Bell au Québec et en Ontario.

Au moins, tous les actionnaires de BCE devraient voter à nouveau sur une offre modifiée, au cours d'une assemblée extraordinaire.

Et une telle procédure pourrait retarder de deux à trois mois la clôture de la transaction de la transaction.

Annulation de la transaction

Le pire scénario envisageable, mais aussi le plus improbable à ce moment-ci, de l'avis d'analystes qui surveillent BCE.

Le pire pour les actionnaires de BCE, dont plusieurs salariés de Bell Canada, qui verraient la valeur de leurs titres baisser considérablement.

Peut-être jusqu'aux environs de 25$ l'action en l'absence d'acheteurs alternatifs Teachers', envisage notamment l'analyste Troy Crandall, de MacDougall&MacTier.

Un tel scénario de retrait d'offre pour BCE serait aussi très coûteux pour Teachers' et ses partenaires.

Les frais de rupture négociés avec le conseil d'administration de BCE, au moment de l'examen de l'offre, approcheraient le milliard de dollars, selon les raisons du retrait.

Sans compter les frais financiers et juridiques déjà considérables soutenus par les acquéreurs déçus.

Par ailleurs, si l'offre échouait en raison du désistement des banquiers retenus par Teachers' et ses partenaires, ces derniers pourraient sans doute lancer des poursuites considérables en dommages et intérêts.

Entre temps, pour attirer d'autres offres et apaiser ses actionnaires frustrés, la direction de BCE pourrait décider d'autres rationalisations majeures des coûts d'exploitation et des projets d'investissements.

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