Le premier ministre Jean Charest n'en démord pas, le Québec doit produire plus d'énergie qu'il en a besoin pour l'exporter et s'enrichir.

Le premier ministre Jean Charest n'en démord pas, le Québec doit produire plus d'énergie qu'il en a besoin pour l'exporter et s'enrichir.

Mais cette stratégie connaît déjà des ratés. Hydro-Québec, qui a actuellement d'énormes surplus d'électricité, préfère payer TransCanada Energy pour ne pas qu'elle produise l'énergie qu'elle lui a achetée, plutôt que d'en prendre livraison pour la revendre sur les marchés extérieurs.

Interrogé à ce sujet, le premier ministre a pris la défense de la société d'État lundi.

«C'est plus avantageux pour Hydro de faire ça», a-t-il dit après s'être adressé à un auditoire réuni par l'Association québécoise de la maîtrise de l'énergie.

Selon lui, Hydro ferait baisser le prix de l'électricité si elle revend ses surplus sur le marché et l'opération ne serait pas rentable.

C'est d'ailleurs le principal argument d'Hydro-Québec, qui a demandé à la Régie de l'énergie d'approuver l'entente conclue avec TransCanada Energy, l'entreprise de Calgary qui doit lui fournir 500 mégawatts d'électricité par année pendant 20 ans à partir de sa centrale au gaz naturel de Bécancour.

Hydro propose de donner 54 millions à TransCanada pour ne pas qu'elle produise cette énergie en 2008, parce qu'elle n'en a pas besoin pour satisfaire les besoins du Québec.

Prendre livraison de cette énergie au prix négocié (10 cents le kilowattheure) et la revendre sur les marchés extérieurs occasionnerait une perte encore plus élevée, soit 56 millions, estime la société d'État, parce que les prix qui peuvent être obtenus à la revente ne sont pas aussi élevés.

Pas une mine d'or

L'exportation d'électricité n'est donc pas encore la mine d'or espérée par le gouvernement.

«Pour exporter, il faut des contrats et il faut des interconnexions», a plaidé lundi le premier ministre, en admettant que le manque de lignes de transport pour vendre de grandes quantités d'électricité était «un défi».

«Il faudra mettre l'accent là-dessus», a dit M. Charest.

La Régie de l'énergie doit décider cette semaine si elle permet à Hydro de verser 54 millions à TransCanada Energy pour ne pas avoir à revendre cette énergie en surplus.

L'an dernier, une demande similaire de la part d'Hydro avait été rejetée par la Régie, qui avait estimé que la revente des surplus générerait des profits qui pourraient contribuer à limiter les hausses de tarifs pour les clients d'Hydro-Québec.

La Régie avait vu juste. La revente des surplus de 2007 a généré des revenus de 251 millions, ce qui a permis de réduire d'autant les coûts d'approvisionnement, selon Hydro-Québec. La société d'État réclame une hausse de tarifs de 2,9% pour 2008.

Hydro-Québec, qui avait prévu en 2004 une pénurie d'électricité, s'attend maintenant à des surplus croissants en 2008, 2009 et 2010.

La société d'État explique ce revirement par la fermeture de l'usine de Norsk Hydro à Bécancour, et par le ralentissement marqué dans l'industrie des pâtes et papiers.

Malgré l'apparition de ces énormes surplus chez Hydro-Québec, le premier ministre garde le cap. Le développement hydroélectrique se poursuivra, même si la demande ne le justifie pas.

«Nous avons décidé de créer de la capacité à des fins d'exportation. C'est la première fois au Québec, a-t-il dit. Nous voulons que le Québec devienne une puissance mondiale des énergies renouvelables.»

Le premier ministre a rappelé qu'il avait demandé à Hydro-Québec de développer 4500 mégawatts d'énergie hydro-électrique supplémentaires, afin de vendre cette énergie à l'Ontario et aux États du Nord-Est américain.

Magnola

En plus du développement de projets hydro-électriques, le gouvernement du Québec veut obtenir 4500 mégawatts d'énergie éolienne, mais pas plus.

«Avec 4500 mégawatts, on aura fait ce que le marché peut absorber et ce que les Québécois peuvent absorber», a-t-il dit.

Malgré son parti pris en faveur des énergies renouvelables, le gouvernement de Jean Charest souhaite la réalisation des projets de ports méthaniers dans l'est du Québec.

En compagnie du premier ministre canadien Stephen Harper, M. Charest a rencontré vendredi dernier le premier ministre russe Viktor Zubkov pour discuter d'approvisionnement en gaz naturel.

La société russe Gazprom est courtisée par les promoteurs des deux projets de ports méthaniers, Rabaska et Cacouna. M. Charest a pris soin de préciser qu'il n'appuie pas un projet plus que l'autre, mais qu'il souhaite pour le Québec «un menu complet» qui inclut le gaz naturel.

Avec le premier ministre russe, il a aussi été question de production de magnésium et des deux usines, Magnola et Norsk Hydro, qui ont été contraintes de cesser leur production à cause des prix trop bas.

Il y a de l'intérêt de la part des Russes, a assuré Jean Charest, qui a laissé entendre que son gouvernement serait disposé à conclure un partenariat avec les Russes pour la relance de ces deux usines.