L'Ontario s'apprête à investir des dizaines de milliards de dollars dans le renouvellement de son parc nucléaire.

L'Ontario s'apprête à investir des dizaines de milliards de dollars dans le renouvellement de son parc nucléaire.

C'est une manne convoitée par les géants de l'industrie et qui pourrait échapper à Areva, le numéro un mondial français.

Actuellement, environ 17% de l'électricité de la province de douze millions d'habitants, la plus peuplée du Canada, provient de centrales au charbon.

Mais à l'heure de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement local s'est engagé à fermer ces centrales à l'horizon 2014 et à accroître la part de sa filière nucléaire, qui subvient déjà à environ la moitié des besoins en électricité de la province.

L'Ontario compte 16 réacteurs de type CANDU, fonctionnant à l'uranium naturel (UO2) et à l'eau lourde, conçus par la société publique Energie atomique du Canada (EACL) et mis en service entre 1970 et 1990.

Un plan gouvernemental dévoilé cet été recommandait un investissement minimal de 26,5 milliards de dollars au cours des prochaines années pour en remettre plusieurs en état et en construire de nouveaux.

Contrairement aux investissements passés, la province promet cette fois d'évaluer l'ensemble des technologies disponibles, au Canada et ailleurs, ce qui ouvre la voie au français Areva, comme aux américains Westinghouse et General Electric.

Une décision sur le lancement ou non d'un processus d'appel d'offres est attendue prochainement.

«L'Ontario va lancer officiellement un appel d'offres, mais officieusement Energie atomique du Canada (EACL) part avec une longueur d'avance», pense Duane Bratt, spécialiste de la politique nucléaire canadienne au Mount Royal College, à Calgary (ouest).

EACL a aussi déjà vendu 12 réacteurs CANDU à l'étranger, en Corée du Sud, en Roumanie, en Inde, au Pakistan, en Argentine et en Chine. Mais cette entreprise publique subventionnée par Ottawa demeure un joueur de petite taille sur le marché mondial, d'où l'importance de remporter la mise sur son propre terrain.

«Si un contrat est accordé sans inclure une participation d'EACL, ce pourrait bien être la fin de cette compagnie», pense M. Bratt. «Sinon comment pourrait-elle ensuite convaincre la Corée du Sud, la Chine et l'Inde d'acheter une technologie qu'elle n'arriverait pas à vendre au Canada ?», s'interroge-t-il.

Le ministre canadien des Ressources naturelles, Gary Lunn, a annoncé cette semaine un processus «d'examen complet de la structure» d'EACL. Dans l'industrie, il n'y a plus l'ombre d'un doute : Ottawa envisage une privatisation partielle d'EACL.

Et c'est en participant au capital d'EACL que les grands joueurs internationaux pourraient rafler une partie des lucratifs contrats de l'Ontario.

«Areva pourrait être un de ces partenaires si les conditions sont bonnes», a déclaré à l'AFP Armand Laferrère, président d'Areva Canada. Toutefois, selon le journal Toronto Star, l'américain General Electric a déjà une longueur d'avance sur son rival français.

General Electric est membre de «Team Candu», un consortium formé en mars 2006 avec EACL, Hitachi, Babcock & Wilcox et SNC-Lavalin, visant notamment à mettre la main sur la manne ontarienne.

Si Areva est intéressé par un partenariat avec EACL, l'inverse est-il vrai ? «Nous ne disons jamais jamais», affirme Jerry Hopwood, vice-président d'EACL en Ontario. «Mais nous ne ferons rien qui contredise les plans de Team Candu, surtout en ce qui concerne l'Ontario», ajoute-t-il.

Et l'hypothétique intérêt d'EACL n'est peut-être pas non plus de nature à plaire à Areva, puisque si le groupe canadien se montre «intéressé pour parler avec Areva», c'est qu'il aimerait aussi, selon M. Hopwood, vendre en France ses réacteurs CANDU pour y «améliorer le cycle du combustible».