Il paie présentement un loyer de 920$ pour un vaste logement à proximité du centre-ville de Montréal, dont il partage pour l'instant le coût avec un colocataire temporaire. Sans voiture, il utilise les transports en commun pour se déplacer.

Il paie présentement un loyer de 920$ pour un vaste logement à proximité du centre-ville de Montréal, dont il partage pour l'instant le coût avec un colocataire temporaire. Sans voiture, il utilise les transports en commun pour se déplacer.

«Je me préoccupe plus ou moins de la gestion financière de mes avoirs, confie-t-il. Je suis le reflet de beaucoup de célibataires que je fréquente et qui demeurent au centre-ville. Je suis un bon vivant qui a une certaine qualité de vie - voyages, bon vin, restaurant, vêtements neufs, etc.» Mais il ajoute: «Je suis quand même prêt à faire certains sacrifices pour m'acheter un condo.»

Cependant, il ne dispose d'aucune liquidité pour concrétiser son projet, hormis ses REER, dans lesquels il pourrait puiser en vertu du RAP.

En parallèle, il songe à prendre sa retraite dans sept ans, au tournant de la soixantaine. «J'ai un fonds de retraite du gouvernement auquel je cotise depuis 25 ans. J'aurai droit au maximum de mon revenu de retraite dans 10 ans, soit en 2018, et j'aurai à ce moment-là 63 ans et 70% de mon salaire, soit près de 60 000$ par année non indexés.» Ce projet est-il raisonnable ou incompatible avec son intention d'acheter une première propriété?

Retraite précoce ou propriété?

S'ils ne peuvent tous les deux être pleinement réalisés, lequel des deux projets doit céder du terrain? Richard La Ferrière, planificateur financier chez TD Waterhouse, a d'abord fixé les paramètres de la retraite souhaitée par Christian.

Le planificateur lui a donné un exercice: «Vous prenez votre retraite demain matin. Quel est votre budget?» Pour maintenir un rythme de dépenses qui lui permettrait de «profiter de la vie, comme tout le monde», Christian a estimé qu'il aura besoin de 3000$ par mois, ce qui représente un revenu après impôt de 36 000$.

Richard La Ferrière utilise les prémisses d'un taux d'inflation de 2%, d'une espérance de vie de 90 ans et d'un rendement moyen de 6,70% sur les épargnes. Christian détient actuellement 60 000$ en REER. Il n'y contribue pratiquement plus, ses dépenses correspondant à peu près à ses revenus.

Dans ces conditions, son régime de retraite, la RRQ et ses économies lui procureront à 60 ans un revenu de 35 600$ après impôt. Pour atteindre l'objectif de 36 000$, Richard La Ferrière calcule que Christian devra économiser une somme supplémentaire de 65$ par mois - un effort aisément à sa portée. Sinon, «pour que vous puissiez prendre votre retraite avec un revenu après impôt de 36 000$, vous devrez continuer à travailler après l'âge de 65 ans», l'avise-t-il.

Reste à voir si son projet d'achat de propriété est réalisable.

Selon le critère traditionnel des institutions prêteuses, l'acheteur d'une propriété ne devrait pas consacrer plus que 32% de son revenu brut à ses frais de logement. Ceux-ci incluent le versement hypothécaire, les taxes foncières et scolaires, le chauffage, et s'il y a lieu, la moitié des frais de copropriété.

En vertu de son revenu annuel de 76 375$, Christian dispose donc d'un budget annuel maximal de 24 440$ par année pour ces dépenses, soit 2036$ par mois.

Mais s'il prend sa retraite dans sept ans, comme il l'espère, Christian touchera alors un revenu inférieur, estimé à environ 59 000$. Si on applique le même ratio de 32%, le plafond des frais de logement est abaissé à 18 880$ par année, ou 1573$ par mois.

À combien s'élèveraient les paiements hypothécaires qu'il devrait assumer? Avec une hypothèque de 250 000$ amortie sur 25 ans et un taux d'intérêt de 6%, la mensualité s'établit à 1600$. Si l'amortissement est étiré sur 35 ans, le versement est ramené à 1363$.

Visons plutôt une hypothèque de 200 000$. Cette fois, les mensualités sont de 1280$ pour un amortissement de 25 ans, et de 1090$ sur 35 ans. «À ces versements, il faut ajouter les impôts fonciers, les taxes scolaires, le chauffage et une partie des frais de condo, si applicable», relève Richard La Ferrière.

En outre, fait-il observer, Christian n'a aucunes autres économies que ses REER, et il devra y puiser pour verser la mise de fonds pour la propriété. Or, «les REER sont déjà comptabilisés dans le calcul de sa retraite à 60 ans», indique-t-il.

«L'acquisition d'une propriété prendrait à mon avis une trop grande part de son revenu, compte tenu de son coût de vie actuel et de ses projets de retraite, expose le planificateur. De plus, la valeur des immeubles au centre-ville de Montréal ne lui permettrait pas de se loger dans une superficie de 2000 pieds carrés, comme son logement actuel.»

Son loyer de 900$ par mois représente à peine 14% de son revenu. Une propriété moins coûteuse en périphérie ne serait pas une solution: «Il désire demeurer dans l'île de Montréal et l'accès au réseau de transports en commun est crucial étant donné qu'il ne possède pas de véhicule», observe M. La Ferrière.

Christian pourrait toujours réduire ses dépenses et travailler jusqu'à 65 ans afin de se procurer une copropriété de prix raisonnable - s'il la trouve. Mais le planificateur pose la question fondamentale: Christian désire-t-il acquérir une propriété au détriment du style de vie qu'il maintient depuis 25 ans? «Compte tenu qu'il désire prendre sa retraite à 60 ans, je considère qu'il ne serait pas opportun de faire l'acquisition d'une propriété», conclut-il.

LA SITUATION

Christian, célibataire de 52 ans, songe à acheter une première propriété. Il souhaite en même temps prendre sa retraite à 60 ans. Ces deux projets sont-ils compatibles?

LES CHIFFRES

Christian, 52 ans

Revenus : 76 375$

REER: 60 000$

Autres épargnes : aucune

Régime de retraite complémentaire (70% du salaire à 63 ans).

Aucune voiture

Dettes : 6000$ sur marges de crédit

LA RECOMMANDATION

L'achat d'une copropriété au centre-ville imposerait une réduction importante de son train de vie, ou un report de son projet de retraite. Christian dispose déjà d'un grand logement à un loyer raisonnable. Est-il prêt à sacrifier son style de vie? Peu probable.

RICHARD LA FERRIÈRE - Planificateur financier, TD Waterhouse