Les crédits d'émissions de gaz carbonique, encore nouveaux dans la lutte contre la pollution atmosphérique, sont appelés à se hisser parmi les grands marchés mondiaux de matières premières.

Les crédits d'émissions de gaz carbonique, encore nouveaux dans la lutte contre la pollution atmosphérique, sont appelés à se hisser parmi les grands marchés mondiaux de matières premières.

Et ça laisse deviner un «énorme potentiel commercial» pour des intervenants comme le projet de marché climatique de la Bourse de Montréal, estime le principal analyste du changement climatique chez UBS, géant financier d'origine suisse.

«Le marché des crédits de carbone s'affermit en Europe, avec des règlements obligatoires, et il débute en Amérique du Nord, encore sur une base volontaire. Néanmoins, on le verra bientôt émerger parmi les grands marchés mondiaux de matières premières pour les entreprises et les gouvernements», affirme Kurt Reiman, directeur exécutif de la «recherche thématique» chez UBS, à Zurich.

«Pour les gestionnaires d'investissements, il faut s'attendre à ce que les crédits d'émission de carbone deviennent importants dans tout portefeuille de placements liés aux matières premières, d'ici cinq à 10 ans», a indiqué M. Reiman lors d'un entretien avec La Presse Affaires, vendredi à Toronto.

Avec des collègues des bureaux de UBS à Chicago et Zurich, notamment, M. Reiman effectue une tournée canadienne d'investisseurs institutionnels et de cadres supérieurs d'entreprises et de grosses organisations publiques.

Le thème: expliquer les plus récents paramètres en matière d'investissements et de gestion d'affaires à propos de l'impact des changements climatiques.

«Certes, il y a encore des incertitudes scientifiques quant aux impacts immédiats et localisés du réchauffement climatique, provoqué par l'augmentation de gaz carbonique (CO2) dans l'atmosphère», admet d'emblée M. Reiman.

«Mais chose certaine, cette concentration de CO2 est la plus élevée depuis des centaines de milliers d'année et elle augmente rapidement, en raison, surtout, de la consommation croissante de combustible de sources fossiles. Il ne fait plus de doute aussi que cette hausse de CO2 affecte le climat mondial. Les questions qui restent en suspens sont reliées à l'ampleur des conséquences.»

Dans ce contexte, selon M. Reiman, les gestionnaires et les investisseurs ont tout intérêt à s'informer des risques et des occasions qui peuvent émerger de cette situation.

Parmi eux, le marché des crédits d'émissions de carbone, au potentiel considérable.

«Les investisseurs doivent approcher ce marché comme ils le feraient pour tout nouveau marché, avec un bon examen diligent des facteurs de risque. Aussi, ils doivent s'attendre à plus de volatilité des prix au début, ainsi que des écarts plus importants entre les cotes d'achat et de vente des crédits», a expliqué M. Reiman.

Quant à la valeur nominale de ces crédits, une différence importante persiste entre l'Europe et l'Amérique du Nord, en raison surtout de structures de marché différentes.

«Le marché européen des crédits d'émissions, qui amorcera bientôt sa deuxième phase quinquennale, a une longueur d'avance sur le reste du monde parce qu'il repose sur une réglementation et des quotas obligatoires pour tous les pollueurs, ce qui n'est pas encore le cas en Amérique», selon M. Reiman.

«Pour le moment, cette différence se mesure surtout avec le prix moyen des quotas par tonne de carbone, plus élevé en Europe qu'à Chicago (Climate Exchange) parce que plus contingentés. Mais rien n'empêche qu'avec les bonnes politiques, le marché nord-américains ne puisse se développer autant sinon plus qu'en Europe, considérant la forte consommation d'énergie polluante en Amérique du Nord.»

Dans ce contexte, le projet de bourse climatique de la Bourse de Montréal s'annonce prometteur.

«Si c'est bien réalisé, cela a beaucoup de sens pour une Bourse régionale de s'immiscer tôt dans ce nouveau créneau de marché des valeurs mobilières, avec son énorme potentiel», selon Kurt Reiman.

Et encore plus dans le contexte canadien, suggère l'analyse internationale tenue à jour par UBS.

C'est que les plus gros clients potentiels des crédits d'émission de carbone - les industries de matières premières, de métaux et d'énergie - constituent une part importante de l'économie canadienne.

Aussi, les Canadiens sont parmi les plus gros utilisateurs d'énergie par habitant sur la planète, en particulier de sources fossiles et polluantes.