À moins d'une entente de dernière heure, la crise du crédit pourrait mettre en faillite le troisième assureur au monde, American International Group (AIG). Voici pourquoi la tempête fait vaciller le géant de 1000 G$ US d'actif.

À moins d'une entente de dernière heure, la crise du crédit pourrait mettre en faillite le troisième assureur au monde, American International Group (AIG). Voici pourquoi la tempête fait vaciller le géant de 1000 G$ US d'actif.

D'abord, il faut savoir que les compagnies d'assurances de dommages n'assurent pas seulement les maisons ou les autos. Certaines vendent également des assurances aux institutions financières contre les risques que représentent leurs investissements.

De la même façon qu'un particulier s'assure contre les risques d'incendie pour sa maison, une institution peut par exemple s'assurer contre le risque que ses investissements, comme une obligation, tombent en défaut de paiement.

Cette assurance contre les défauts de paiement est connue en anglais sous l'expression Credit Default Swaps (CDS).

L'un des plus importants assureurs dans ce domaine est justement AIG. Au 30 juin 2008, l'entreprise avait une exposition de 441 G$ pour ces produits, soit presque la moitié de son actif.

Dans le contexte actuel, cette exposition est énorme. Depuis deux ans, de nombreuses familles américaines ont des difficultés à acquitter leurs versements hypothécaires.

Or, rappelons-le, plusieurs institutions financières ont investi des sommes considérables dans des fonds constitués de ces fameuses hypothèques à haut risque (subprimes). Ces hypothèques risquées ont aussi contaminé d'autres fonds d'investissement ou obligations.

La conséquence ? Les défauts de paiement se sont multipliés dans le marché. Et par ricochet, les institutions touchées par ces défauts ont exigé que leur assureur, tel AIG, les rembourse, un peu comme un particulier veut être indemnisé quand sa maison passe au feu.

Durant les premiers mois, AIG a répondu aux demandes. Mais devant le fléau, elle manque de liquidités pour acquitter son dû. C'est un peu comme si le tiers des maisons de Montréal passaient au feu en même temps, provoquant ainsi une avalanche de réclamations.

Depuis deux jours, AIG est donc dans une course effrénée pour trouver les 75 à 80 G$ qui lui permettraient d'éviter la faillite. Mais trouver une telle somme n'est pas chose facile, on s'en doute bien, surtout par ces temps de crises du crédit. Qui donc voudrait prêter à un assureur en difficulté ?

Hier, les agences de crédit ont décoté AIG, c'est-à-dire qu'elles ont attribué à ses titres de dette un risque plus grand. La cote de crédit demeure tout de même dans le créneau « investissement », celui qu'exigent les fonds de retraite pour acheter un titre boursier.

Le début

Est-ce la fin de l'histoire ? Non, plutôt le commencement d'une autre. Qu'arrivera-t-il aux institutions qui ont contracté une assurance auprès d'AIG et qui risquent d'être incapables de se faire payer leur dû ? Réponse : la même chose qu'un proprio incapable de se faire indemniser pour la perte totale de sa maison.

Advenant la faillite d'AIG, donc, certaines institutions devraient possiblement radier encore une grande partie de leurs investissements, qui se calcule en centaines de milliards de dollars. D'autres pourraient carrément être obligées de déclarer faillite. C'est ce qu'on appelle l'effet domino ou le risque systémique.

«Toutes les banques au monde ont AIG en contrepartie. Et toutes les institutions qui ont utilisé AIG pour diminuer le risque et assurer leur exposition se retrouveraient en difficulté», souligne l'analyste Gregori Volokhine, de la firme Meeschaert, de New York.

Le gestionnaire montréalais Vital Proulx, de Hexavest, s'en prend à l'avidité des dirigeants de telles compagnies d'assurances. Normalement, explique-t-il, une institution qui vend des assurances ou fait des prêts se prend une réserve, c'est-à-dire qu'elle met de l'argent de côté au cas où les choses tourneraient mal. Or, AIG n'a pas pris de réserves pour ses produits CDS.

«Sans ces réserves, ces produits sont devenus excessivement payants pour les firmes d'assurances, ce qui a permis aux dirigeants d'empocher de gros bonis», dit M. Proulx.

Selon lui, la perte de AIG s'élèvera à 100 milliards de dollars, soit autant que son chiffre d'affaires. «Personne n'a les moyens de trouver 70 milliards en trois jours. Même la Réserve fédérale américaine (FED) ne le pourra pas», dit-il.

Bref, la situation est très difficile. Quant aux propriétaires américains de maison ou d'autos qui sont effectivement assurés avec AIG, leur risque réel n'est pas très grand. L'industrie de l'assurance a en effet instauré des mécanismes qui permettent à de tels assurés d'être indemnisés en cas de faillite de leur assureur.

Avec Agence France-Presse